"Bah ouais c'est sûr c'est la merde, c'est pas trop ça qu'était prévu Nos ambitions sont en berne et notre avenir en garde à vue Et si c'est vrai que l'intelligence, c'est la capacité d'adaptation Il va falloir la jouer rusé face à certaines situations."
En effet, ces situations dont parle Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade, dans sa chanson-titre de son premier film, c'est le handicap, un handicap lourd et profond, qui est survenu lors d'un plongeon dans un bassin de piscine alors que le fond n'était pas assez profond...
Les films sur le handicap, sont en général dur à regarder mais "Patients" fait un peu exception, car ce long-métrage réussit le pari de nous faire ressentir - un peu - ce qu'est la vie des patients lourdement handicapés. Nous les suivons dans leurs journées, dans leurs moments de solitude, de souffrance, dans leurs progrès- aussi petits fussent-ils- dans leurs moments de joie, dans leur manière bien à eux de dédramatiser l'insurmontable, à coups de vannes et de moqueries bienveillantes.
Tout cela sans chichis, avec réalisme et sans coups d'éclats. Parmi la bande de copains, il y a ceux qui sont condamnés à ne plus faire de progrès, à qui on fait de la rétention d'information jusqu'au moment où la direction leur informe qu'ils doivent quitter le centre pour un lieu plus adapté à leurs besoins. Ce champ de l'impossible que l'on cache, c'est sans doute un des mérites du film, tout comme la complexité des rapports humains : amitié, amour ou incompatibilité d'humeurs.
Aux côté de Ben (grand corps malade), des personnages forts de caractère viennent lui apporter du soutien, leur expérience, une présence, à commencer par Farid son mentor (handicapé depuis l'âge de 4 ans), Steve (qui ne progresse pas) et Toussaint (très touchant) ainsi que Nadia, jeune femme séduisante avec qui il voudrait partager des sentiments amoureux. La subtilité de ce film est de nous montrer la difficulté d'être jeune quand on subit l'amputation de la motricité: se laver, se mouvoir, se nourrir, s'embrasser ne fait plus partie du vocabulaire du possible mais un objectif rêvé et très souvent illusoire. Eddy, un des copains de Ben dit : "le suicide c'est une porte d'entrée mais aussi une porte de sortie". Cette sentence montre à quel point il faut être méga fort pour survivre de cette damnation et que les progrès que peuvent faire certains patients ne dépendent aucunement d'une force mentale surnaturelle mais de l'origine de l'accident. Cette injustice, qui génère forcement un malaise au sein des patients dont les progrès évoluent indifféremment vis-à-vis des uns et des autres, ce malaise là ne peut se réduire que dans l'amitié et la compréhension de l'autre.
C'est, à mon avis, ce que le film veut montrer, la compassion et la pudeur dans l'espoir.
Le seul petit bémol de "Patients" c'est de savoir que demain il fera beau pour Ben/Grand corps malade, du coup on est moins dans l'empathie : on sait qu'il va s'en sortir, mais c'est peut-être pour cela que le célèbre slameur s'est donné la chance d'adapter son roman éponyme?