Pauvres Créatures raconte l'histoire de Bella, la "création" d'un célèbre scientifique froid et pragmatique. Celui-ci se montre monstrueux, d'abord au sens propre car il possède d'innombrables cicatrices (témoignages des expériences malsaines qu'il a subies) et ensuite au sens figuré quand on constate son orgueil et son dédain face à l'éthique (après tout, il se fait appeler "God").


La naissance de Bella, révélée assez tôt dans le film, est elle-même choquante :

une femme enceinte qui a tenté de se suicider, retrouvée à moitié morte par God. Celui-ci a donc remplacé le cerveau de la mère par celui du bébé, juste pour voir.

Elle possède l'intelligence d'un nouveau-né dans un corps de femme, ce qui provoque un certain malaise au début. Malgré cela, l'opposition entre son incroyable beauté et sa pure innocence est une source de fascination pour les autres personnages.


Petit à petit, Bella va grandir, apprendre à s'exprimer, à se mouvoir correctement,... Et surtout à découvrir sa sexualité. Car il faut tout de même le savoir : même s'il s'agit d'une belle histoire d'une femme enfermée qui découvre le monde à travers diverses aventures, le sexe est le prisme principal par lequel Bella va progresser. Ce qui est d'autant plus dérangeant quand on sait qu'elle n'est pas plus âgée qu'un enfant, à la base.

Heureusement, il n'est pas question de violences, tout est toujours consenti.


Une fois cette barrière franchie, on se rend compte à quel point la candeur et la naïveté de Bella peuvent être une force plutôt qu'une faiblesse. De par son franc-parler, on se surprend aussi à rire de certaines situations très cocasses. Là où beaucoup d'hommes se battent pour la "posséder", c'est finalement elle, sans même s'en rendre compte, qui détient le pouvoir sur eux. Même si elle sera amenée à subir des manipulations ou des expériences désagréables, elle en tirera toujours des leçons. On est donc sur un discours résolument féministe et bienveillant. Bella croit fermement que l'homme au sens large peut s'améliorer, que la cruauté n'est pas inéluctable. Il n'est donc pas question de se venger ou de rabaisser qui que ce soit.

Sauf pour le coup de la chèvre à la fin, mais bon, c'était mérité.

Elle deviendra petit a petit une femme résolue et cultivée, et on se surprend à avoir autant de tendresse que certains personnages à la voir s'accomplir.


Impossible de parler du film sans mentionner la direction artistique très atypique. On a vraiment l'impression d'être dans un autre monde : les costumes sont magnifiques et les décors extérieurs semblent peints à l'aquarelle. On aime ou on n'aime pas, mais ce style donne parfois des visuels époustouflants que l'on ne verra sans doute nulle part ailleurs.


Le travail du son est aussi important. Je ne me souviens pas avoir entendu de musique marquante, mais je me souviens bien des tintements aigus lors de certaines scènes de sexe et de gros sons lourds et graves pour des moments qui nous font ressentir presque physiquement l'angoisse de certaines scènes.

Aussi, les acteurs sont tous particulièrement exceptionnels. Pas étonnant d'ailleurs qu'Emma Stone ait été autant récompensée pour sa performance.


Ce film, malgré quelques longueurs, est donc une expérience sensorielle et thématique particulière, mais néanmoins plus qu'intéressante.

Dardo
7
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le 29 févr. 2024

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Dardo

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