Bel hommage

Dans un futur très proche, Michael est un ingénieur spécialisé en rétro-ingénierie (c’est-à-dire qu’il démonte des objets pour en comprendre les secrets de fabrication). Il est très doué, mais, après chaque contrat, il est tenu de se faire effacer la mémoire afin de ne rien pouvoir divulguer. Un jour, un ami lui propose une mission longue. Michael oubliera trois années de sa vie, mais recevra en échange un salaire de plusieurs dizaines de millions. C’est presque trop beau pour être vrai. Mais qu’est-ce qu’on peut bien fabriquer d’aussi secret pendant trois ans ?

John Woo est un réalisateur d’une régularité rassurante. Il produit des films d’action sympas, pas compliqués et franchement reposants à regarder. Seulement ici, le scénario est inspiré de Philip K. Dick. Du coup, la nouvelle du légendaire romancier suffit amplement à remplir un film. L’accent est certes mis sur l’action, mais le scénario est largement assez riche pour tenir le spectateur éveillé et surtout pour se demander où cela va-t-il nous mener ? Le jeu de piste des objets dans l’enveloppe est carrément ludique, et on se creuse la tête pour deviner l’utilité d’un trombone ou de la laque.

La réalisation est conventionnelle avec des plans attendus sur la musique correspondante, des scènes d’actions alternant suspens, humour et violence avec la touche d’irréalisme qui fait sourire (notamment la poursuite à moto). On est en terrain connu.

Le casting est plutôt étrange. Si Aaron Eckhart et l’excellent Paul Giamatti collent bien à leur personnage, Ben Affleck est (à mon sens) un peu neuneu pour jouer un ingénieur, et surtout carrément trop bodybuildé. En outre, son personnage n’a aucune raison d’apprendre à se battre ni d’entretenir un physique de commando pour démonter des ordinateurs. Mais le pire est bien Uma Thurman, aussi crédible dans le rôle de l’amoureuse transie qu’aurait pu l’être Jack Nicholson (et encore, il ne faut pas sous-estimer le grand Jack). Pourtant, Colm Feore, Joe Morton et Michael C. Hall sont, eux aussi, tout à fait bien dans leur personnage. Seul le couple de stars est caduc, ce qui rend le film difficile à suivre. Non seulement on ne croit pas à ces deux personnages, mais leur relation est carrément inconcevable.

C’est pas grave. Paycheck n’est pas une romance ni un traité scientifique, mais bien un genre de James Bond avec une profusion de bastons, de gags et de rebondissements plus ou moins invraisemblables. Alors on savoure le film sans se prendre la tête et on apprécie de voir une autre œuvre de Philip K. Dick si joliment adaptée au cinéma.