La force et la fragilité de Jean Gabin en 1937

Pépé le Moko est un film découvert dans un ciné-club quand j'étais étudiant. C'est un film d'atmosphère (noire) et un film furieusement romantique. Sur lequel, le scénariste (La Barthe) a tissé une histoire policière. À moins que ce ne soit le contraire. Une histoire policière sur laquelle, le scénariste et le dialoguiste (Henri Jeanson) ont placé une ambiance exotique et romantique. Ou alors, ce n'est rien de tout ça, et ce n'est qu'un film construit autour de quelques personnages pittoresques et plutôt inoubliables.

En bref, c'est un film qui m'a bluffé la première fois que je l'ai vu et où je retrouve toujours la même fascination à chaque visionnage.

Et puis, j'aime rapprocher ce film de "la Bandera", tourné deux ans avant "Pépé le Moko" par le même Duvivier et aussi Jean Gabin … pour cette ambiance exotique de l'Afrique du nord.

Un film d'atmosphère …

Le film démarre sur une description de la Casbah à Alger, véritable monde à part, cosmopolite, avec ses propres règles. La police n'y est pas vraiment bienvenue bien qu'elle y soit tolérée à travers l'inspecteur Slimane (Lucas Gridoux) qui y maintient un modus vivendi avec la pègre tout en veillant au grain. L'omerta règne et la solidarité s'exerce à tout instant.

La Casbah, c'est aussi le monde de l'amour exotique, tarifé ou pas, dans lequel séjournent divers repris de justice comme Pépé (Jean Gabin) qu'une "fille" se risque à définir comme :

"Sa maison à lui, c'est partout où tu trouves une femme"

Mais la Casbah est aussi un monde veule où certains peuvent se révéler cupides ou jaloux et n'hésiteront pas à trahir.

Une atmosphère oppressante dans laquelle il ne manquait qu'une femme fatale (Mireille Balin) pour apporter quelques instants de rêve

Spoiler : à moins que le rêve ne soit que le début d'un cauchemar …


Une histoire policière …

Bien entendu, c'est quand même agaçant que dans un état de droit, il y ait des lieux de non-droit ! Et le film, c'est d'abord la traque de ce truand, Pépé, qui s'est retranché dans la Casbah et qui y mène ses affaires illicites en toute tranquillité et toute impunité. Il y a même le fourgue (Saturnin Fabre) qui évalue les prises et se charge de les monnayer. Une organisation solide et complète, donc. Et pour prendre au collet, le Pépé, le plus simple est de le faire sortir de sa tanière, de la Casbah, donc en utilisant la ruse, la trahison …

Des personnages pittoresques

D'abord, il y a le maître de la Casbah, Jean Gabin, autour de qui tout tourne. Mais au-delà du truand implacable, apparait rapidement un homme fidèle en amitié, tendre avec les femmes (quoique ...), un brin paternaliste avec les jeunes de sa garde rapprochée : une main de fer dans un gant de velours. C'est surtout un nostalgique car la Casbah se révèle être une prison pour le parisien dans l'âme qu'il est. Et quand il rencontre une séduisante touriste parisienne (Mireille Balin) en visite dans le quartier réservé, en pleine opération policière, c'est le coup de foudre qui lui rappelle les limites de sa liberté et que la Casbah est aussi un piège dans lequel il s'est réfugié.

Un personnage qu'on n'oublie pas facilement, c'est celui de Régis, l'indicateur, joué par Charpin que Pépé poussera en toute douceur

Spoiler : vers un sort peu enviable où on sent physiquement la peur l'étreindre …

On a déjà parlé du seul policier important dans le film qui est l'inspecteur Slimane, manipulateur et fourbe, qui entretient des relations chaleureuses avec tout le monde dans l'attente du grand soir où il pourra se payer de toutes les avanies et de toutes les couleuvres qu'il avale.

C'est comme, le fourgue interprété par un sentencieux Saturnin Fabre qui amène la touche d'un homme au-dessus de la mêlée, presque philosophe, prêtant presqu'à sourire ...

Un regret, c'est Inès, le personnage de l'amoureuse de Pépé, une fille de la Casbah, un personnage clé du film pourtant, qui aurait gagné à être beaucoup plus développé, d'autant que Line Noro joue le rôle de façon assez poignante.

Et, pour finir, cette séquence d'émotion pure avec Fréhel, grande chanteuse du début du siècle, pratiquement dans son propre rôle en 1937, alors oubliée, qui repasse en boucle et les larmes aux yeux, sur son vieux phono ses anciens succès en contemplant sa photo de la glorieuse époque.


JeanG55
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le 16 oct. 2025

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