L’autisme, percuté, pulvérisé par la musique...

L’autisme. Un trouble encore mal connu, qui divise le corps soignant, entre tenants du tout-génétique, fanatiques du neuro-biologique, et ceux qui voudraient que le psychique soit toujours pris en compte, permettant notamment à la psychanalyse de jouer son rôle...


Le mode d’approche choisi par le réalisateur Alexandre Messina tourne résolument le dos à cette polémique et plante directement la caméra dans le foyer Alternote, à Antony, premier centre d’accueil pour adultes autistes musiciens. Comme il faut un début à tout, le spectateur découvre ce lieu un matin, dans la salle des petits déjeuners, où soignants et malades sont réunis. Bien vite, les manifestations pathologiques lui permettent de démêler les uns des autres...


Mais le miracle ne tarde pas à opérer, dès qu’une séance de répétition se met en place : l’élocution hachée, heurtée, accoucheuse de propos volontiers discontinus ou déroutants, cède la place à un sens du rythme parfait, bien supérieur à celui de nombreux musiciens, à une justesse d’oreille qui surprend... Naît enfin l’harmonie des voix, qui procure aux chanteurs comme aux auditeurs le même plaisir apaisant, doux comme un massage...


Le ton est à présent donné et les entretiens avec telle ou tel patient musicien alternent avec des moments de répétition, de tâtonnement, de trouvaille, tels qu’il peut s’en trouver au sein de tout groupe qui ne s’astreint pas à une interprétation guidée par des partitions. On admire le tact, la fermeté des encadrants musiciens, qui parviennent, en douceur et comme imperceptiblement, à emmener ce groupe d’hommes et de femmes vers l’excellence qui leur permettra de monter sur scène, parés de leur nom de groupe, Percujam.


La caméra s’embarque avec le groupe vers les différents lieux où les conduira leur tournée. Le spectateur affine sa connaissance des uns et des autres, ainsi que des liens qui les unissent ou les divisent. Les phrases les plus saugrenues fusent, admirables, mais impossibles à mémoriser...


Puis c’est l’apothéose de la scène, l’ivresse du public, emmené par une musique pulsée, qui appelle la transe. L’un des chanteurs bondit continuellement, comme un Mick Jagger qui n’aurait eu besoin d’aucune poudre pour se galvaniser...


On ressort séduit, bouleversé, sachant moins que jamais où passe la frontière entre normalité et anormalité. Alexandre Messina signe là un film nécessaire...

AnneSchneider
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le 31 mars 2018

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Anne Schneider

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