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Deux ans après Portrait d’une jeune fille en feu, Céline Sciamma retrouve, avec Petite Maman, un de ses thèmes de prédilection favori : celui de l’enfance. L’occasion pour la cinéaste de revenir à une certaine épure de cinéma, qui a fait son succès. Retour gagnant.


L'enfance intime


Avec Naissance des pieuvres ou encore Bande de filles, Céline Sciamma a toujours porté son cinéma et son regard sur l’enfance et ses différentes composantes. Ses plus beaux exemples résidant dans la maturité de Tomboy, ou dans l’innocence de Ma Vie de Courgette de Claude Barras dont elle est scénariste. Il est n’est pas étonnant à la vision de Petite Maman de découvrir que l’idée du film a germé pendant la promotion du long-métrage d’animation, alors que la cinéaste était au contact d’un jeune public.


Comment parler de la perte et de l’intime aux différents publics mais avec le même impact ? C’est tout l’enjeu de ce cinquième long-métrage de Céline Sciamma. Elle qui souhaitait laisser la place à tous les spectateurs de pouvoir exister dans ses images. Un film pensé pour rassembler petits et grands, souhaitant offrir, sur un pied d’égalité, les mêmes émotions et les mêmes sensations. Tel un Miyazaki, qui fait partie d’une des références majeures de Sciamma. Loin d’en épouser l’ambition visuelle, Petite Maman excelle dans cette capacité à se mettre à hauteur d’enfant et à susciter la poésie.


Petite Maman débute par une perte, un adieu. Celui de la grand-mère de Nelly, décédée dans une maison de retraite. Alors que la petite Nelly fait ses adieux aux pensionnaires de l’EHPAD, elle retrouve quelque temps après la maison de la défunte, gorgée de souvenirs et habitée d’une nouvelle douleur naissante. Petite Maman continue par un au revoir. Bouleversée, la mère de Nelly quitte précipitamment son antre familial et laisse seule sa fille et son conjoint. C’est alors que les enjeux du récit se dévoilent entièrement.


Terrain de jeu


Le choix du cœur pour Céline Sciamma est d’aborder la question du deuil à travers un regard d’une douceur communicative très touchante. À l’instar de Tomboy, elle fait preuve d’une rare délicatesse dans le traitement des personnages, et le soin apporté à l’écriture concernant l’enfance. Car malgré ce minimalisme d’apparence, Petite Maman reste un film enthousiasmant, doux et délicat.


Une ode à la simplicité des émotions, à la mélancolie où l’épure de traitement et de mise en scène trouve toute sa place. D’une limpidité remarquable, le long-métrage est construit comme une évasion, une parenthèse de douceur comme un remède à la solitude et au manque. Il est aussi un discours magique sur le pouvoir de l’imaginaire comme pansement des plaies. L’enfance soignant la tristesse de l’adulte.


Ces sensations sont accentuées grâce à l’ambiance cotonneuse et colorée de l’automne. Les feuilles mortes comme terrain de jeu de cette amitié magique entre une enfant et sa petite maman. Jouant sur les silences, sur les moments suspendus. Et donnant à ce long-métrage très court (1h12), une allure apaisante, enchanteresse. Le film est également porté par la subtilité des interprétations, des deux jumelles Joséphine et Gabrielle Sanz en passant par Nina Meurisse et Stéphane Varupenne.


S’il en fallait une supplémentaire, Petite Maman est la preuve du talent de scénariste, qui, dans sa retenue et son épure, dévoile les plus puissants des sentiments. Toujours à bonne distance, constamment à sa juste place. Le choix du réalisme magique est une nouvelle flèche à son arc et il nous touche de nouveau en plein cœur.

JoRod
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le 3 juin 2021

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