J'ai vu Phantom of the Paraise deux fois. La première, je découvre à peine le cinéma; peut-être un peu tôt pour aborder ce genre de film bizarroïde. Je le trouve trop pressé, trop cheap, trop mal joué, bref je n'aime pas. La deuxième fois c'est il y a quelques jours. J'ai envie de lui laisser une deuxième chance, de me laisser une seconde chance d'apprécier ce curieux objet filmique, à la lumière de tout ceux que j'ai vu depuis. Raté encore une fois, je ne peux pas aimer ce De Palma (qui pourtant a certains echos intéressants avec Scarface, que j'aime encore aujourd'hui).


Ça commence avant même toute image filmée, il y a cette intro parlée au film qui m'insupporte; on est au cinéma, on montre des images ou alors on fait un livre mais pas les deux. Ce passage sert d'introduction au personnage de Swan, producteur star (qui fait echo à Phil Spector, et avec le recul d'aujourd'hui, de bien des manières) responsable de la British Invasion. Je ne comprends pas l'intérêt de ce passage parlé, le reste du film montre bien assez quelle influence Swan a dans le monde de la pop (il a tout le monde à ses pieds, auteurs-compositeurs, chanteuses, presse..). Il est traité comme un dieu vivant par tous ceux qui l'entourent (excepté peut-être son assistant) justement parce qu'il a le pouvoir de rendre célèbre ou de faire taire une voix quand il veut.


Première scène du film, on comprend déjà que de Palma va développer une critique caustique du star system, et la musique composée par Paul Williams n'y est pas pour rien. Le chanteur des Juicy Fruits, premier groupe à l'écran est l'archétype de l'interprète affamé de gloire et qui n'hésite pas à en faire trop pour exister sur scène (et donc aux yeux de Swan), archétype répété tout au long du film avec les BeachBums, The Undead et même Phoenix. Swan est physiquement distant des auditions, sur une estrade, derrière une vitre teinté qui ne cache que lui. Cette scène est filmée comme un concert, en plans fixes, rien d'extravagant: ce qui n'est qu'un prétexte à des mouvements de caméra plus libres pour souligner l'importance du personnage de Winslow dès son introduction.


Évidemment Winslow, ou plutôt ses textes, attirent l'attention de Swan, ce qui conduit à la deuxième scène. C'est dans celle-ci que j'ai commencé à me poser des questions sur la construction du personnage de Winslow. L'assistant de Swan lui parle en coulisse de l'intérêt de Death Records pour sa musique. Tout naïf qu'il est, Winslow agresse violemment, et sans transition l'assistant, dès qu'il lui parle de devenir plume. Or on ne sait rien de Winslow, rien qui justifie ce brusque changement d'attitude. Alors oui, c'est une scène d'introduction, on caractérise le personnage, pour moi c'est peut-être plus un problème de jeu d'acteur qui rend cette scène confuse. Ce problème du sur-jeu se répète beaucoup dans le film, c'est voulu par De Palma mais ça ne sert pas toujours le récit selon moi.


Scène de l'audition dans le manoir de Swan, j'ai encore du mal à saisir l'intention de Bill Finley. Il entre par effraction dans une propriété gardée pour demander des comptes à quelqu'un qui lui a volé ses textes, et se met à sourire. Bref, entrée dans le manoir, De Palma évoque davantage la découverte de la scène par Winslow qu'il ne la filme; plan sur le sol, puis sur une chanteuse et enfin sur tout un cortège de chanteuses. C'est là qu'on voit pour la deuxième fois une des idées visuelles fortes du film; l'opposition entre la scène et les backstages. Le décors chargé de fioritures se décharne progressivement jusqu'à la salle d'audition, couverte de panneaux unis.

Cette idée il la répète plusieurs fois; dans la scène des Beach Bums filmée en split-screen et dans le décor du Paradise. Assez subtil et ajoute un degré de lecture des plans: dès lors que l'on sait ça et voit des décors unis, on sait à quoi s'attendre d'une scène. Les décors n'ont pas tous bien vieilli, ça fait souvent cheap, à l'exception de l'accueil de Death Records qui tient encore la route aujourd'hui.


Vient le segment du film qui m'a perdu dans mon premier comme dans mon deuxième visionnage. Après s'être fait virer du manoir de Swan, piégé par des flics pourris et s'être brûlé le visage, Winslow se retrouve au tribunal dans un procès éclair. De Palma nous colle à l'écran des panneaux texte et une une de journal, tous très dispensables, à l'image du monologue d'introduction du film. Winslow devient fou (plus qu'il ne l'était déjà) en prison. le film est tellement pressé de nous montrer les scènes de représentations qu'il ne donne que trop peu de substance à cette descente aux enfers. Là encore il y a un vrai soucis de construction du personnage (principal !).


Ensuite De Palma décide de nous mettre en vue subjective dans le regard de Winslow, qui s'infiltre dans le Paradise. Volonté de cacher son visage ou d'identification, je n'en sais rien mais dans les deux cas ça fait un peu "cheap trick". Il y a mille façon de dissimuler un personnage ou de provoquer l'identification (comme une construction correcte à tout hasard) et De Palma ne choisit certainement pas la meilleure.


Swan, obsédé par l'image, regardé dans sa loge sur une petite tv la représentation des Beach Bums, et plus important: l'attentat de Winslow, le phantom of the paradise, masqué et encapé.

Ça veut donc dire que la scène, que l'on a vue avant en pensant être captée par une caméra extra-diégétique ne l'était pas. C'est la seule scène musicale du film qui utilise ce ressort (qui pourrait être exploité !), et je ne comprends pas bien son intérêt: Swan a déjà vu Winslow dans la salle de concert. Les scènes où Swan regarde les enregistrements vidéos où il parle avec une voix déformée, il a l'air renfrogné et je ne comprends pas pourquoi. Est-ce qu'il y a un rapport à trouver avec son pacte avec le diable ? Dans la scène du bain il a l'air d'avoir trouvé la solution à tous ses problèmes avec ce contrat. Alors peut-être qu'il y a plus à comprendre ou qu'encore une fois De Palma se précipite sans s'attarder sur des détails cruciaux. Aussi Swan ne veut pas être pris en photo par des journalistes, mais il ne vieillit pas !


La scène où Winslow compose le Phantom's Theme m'a complètement échappé aussi: ces enchaînements maladroits d'images superposées et de fondus enchaînés. Tout ça fait très kitsch et si c'est voulu par le réal, je ne vois vraiment pas ce que ça raconte.


Enfin, la première représentation de la cantate se produit, au terme de laquelle Phoenix se conforme brutalement au star system, elle qui est avant ça très revendicatrice et pas du genre à se laisser faire. La scène finale, le climax est sans doute celle que je trouve la plus réussie, réussie tout court en fait. Le montage sert très bien cette gradation progressive dans le final tragique. Un grand bouquet final que l'ardeur des la foule, ignorant ce qui se joue vraiment, vient accentuer.


ruzj
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le 11 févr. 2023

Critique lue 28 fois

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