My dear, here we must run as fast as we can, just to stay in place.

Alice (les deux volumes) est un de mes livres préférés et je suis toujours curieuse (forcément...) de découvrir les univers que Carroll inspire.

Ici, une petite fille, atteinte de TOC dont on apprendra, au fil de l'histoire, les possibles causes et les véritables implications, se réfugie en Wonderland pour donner sens à l'absurde de situations qu'elle ne maîtrise pas : une mère écrivain qui peine à assumer son passage d'intellectuelle à mère au foyer, mais tente, malgré tout, désespérément de permettre à ses filles d'être des femmes uniques, libres ; un père à l'intelligence un peu lâche ; une petite soeur aux opinions politiques et au rationalisme délicieusement précoces (qui se déguise en Karl Marx pour Halloween...) ; une école qui brime au lieu d'encourager à la créativité ; une prof de théâtre merveilleuse, qui laisse aux enfants la liberté de devenir eux-mêmes... en les laissant jouer l'univers d'Alice.

Phoebe se réfugie dans ses fantasmes carrolliennes, dialoguant avec la Reine Rouge, Humpty Dumpty, le Chapelier Fou, se rêvant carte à jouer, en chute libre... pour oublier ses crachats intempestifs, les tâches qu'elle s'impose (sauter les escaliers trois par trois, faire un circuit déterminé sur les dalles de l'allée, se laver les mains jusqu'à ce qu'elles saignent...), et les défaillances de son corps et de son esprit.

Et c'est une lecture juste et émouvante de certains aspects du livre de Carroll qui émerge alors, avec une juste dose de none-sense, de merveilleux, de glauque, de rêve et d'absurde qui étrangle la gorge. On rêve et on sourit tristement à ce film qui rappelle les vertus libératrices d'une pédagogie de la confiance, de la libération de l'imaginaire et de l'acceptation de l'enfant en tant qu'individu aux possibilités infinies.

Il m'a parlé, en tant que prof et amoureuse de ce cher révérend Dodo. Il n'est pas sans défaut, mais il essaye toujours, avec honnêteté, de faire sentir son sujet (plutôt que d'en disserter) avec justesse, sans sombrer dans la sensiblerie ou les chimères psychédéliques, mais en jouant avec les images et le langage, à la manière de Carroll. Phoebe, comme Alice, est en quête d'identité - mais, si Alice ne trouvera pas la sienne (ainsi qu'elle l'explique à la Chenille Opiomane, à force de changer de taille, elle ne sait plus bien elle-même qui elle est), Phoebe, loin de finir héroïne, trouve en partie de quoi comprendre qui elle est, à force de creuser les mots et de se perdre dans leur sens démultiplié. Et c'est déjà beaucoup !
LongJaneSilver
8
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le 11 févr. 2014

Modifiée

le 11 févr. 2014

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LongJaneSilver

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