Lors de la critique de "Phantom Lady" (alias "les mains qui tuent"), j'évoquais le fait que le scénario avait des accents du film que Siodmak a tourné en France en 1939 avant son départ pour les Etats-Unis.

On pourrait aussi dire que le scénario de "Pièges" raconte la recherche d'un tueur en série qui s'attaque à des jeunes filles par le biais de petites annonces. L'enquête menée par une amie d'une des disparues va conduire à toute une galerie de détraqués ou pervers et à la condamnation d'un innocent. "Phantom Lady" est, lui, plus recentré sur la recherche du coupable de crimes afin d'innocenter un homme injustement condamné.

"Pièges" (au pluriel) fonctionne donc comme un (génial) brouillon qui va permettre à Siodmak de choisir parmi tous les pervers celui à approfondir pour obtenir le diamant brut "Phantom Lady".

Ainsi, le scénario de "Pièges" tourne autour du personnage d'Adrienne, une entraineuse recrutée par la police pour jouer le rôle d'appât en répondant aux petites annonces permettant de remonter la ou les filières. Mais le scénario à tiroirs est l'occasion d'une mise en scène d'Adrienne dans différents contextes avec des fausses pistes et des "coupables" potentiels de plus en plus pervers et dangereux.

Ainsi on a droit à une scène magnifique et très émouvante avec Erich Von Stroheim dans le rôle d'un grand couturier désormais ruiné et déchu, perdu dans ses souvenirs triomphaux mais qui ne peut s'empêcher de monter des défilés devant une salle vide.

Il en est de même lorsque Adrienne rencontre les deux amis joués par Pierre Renoir et Maurice Chevalier en organisateurs de spectacles de music-hall. La scène nous conduit inévitablement à deux numéros chantés par un Maurice Chevalier en pleine forme mais que Siodmak empêche de tirer la couverture à lui comme on pourrait le craindre

C'est Marie Dea qui joue le rôle de cette délicieuse mais déterminée Adrienne. La scène de recrutement d'Adrienne par la police est remarquable de presque tendresse de type filial que développe le commissaire bien conscient des risques courus par Adrienne. Mais les scènes de marivaudage avec Maurice Chevalier sont plaisantes et apportent de la fraîcheur au milieu de ce film quand même assez noir. Plus grand monde ne connait Marie Dea aujourd'hui. Pourtant elle fut une grande actrice dans le rôle de Eurydice dans "Orphée" de Cocteau (1950) et dans le rôle d'Anne dans "les Visiteurs du soir" en 1942.

"Pièges" est un film policier qui tire sur le noir mais reste plaisant à regarder car Siodmak avec maîtrise préserve le suspense jusqu'à la fin et n'hésite pas à mêler dans le film plusieurs genres pour brouiller les pistes.


JeanG55
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le 9 sept. 2022

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