Parti d'un projet qu'il devait réaliser avec sa compatriote Pina Bausch, Wenders nous livre avec Pina un documentaire en 3D. Par un dispositif qui alterne extraits de ballets et témoignages des danseurs de la troupe, Wenders nous emmène dans un portrait singulier de la maestria de la danse contemporaine. Ce qui devait être une œuvre commune est devenu, avec la mort de la chorégraphe allemande en mars 2009, un hommage : hommage du réalisateur pour cette artiste qu'il admirait et hommage de ses danseurs orphelins.
On peut dès lors se poser quelques questions: qu'est-ce que la technologie 3D apporte aux extraits des ballets choisis ? Quel point de vue Wenders a-t-il choisi pour ce portrait ?
Pina est le premier film d'art et essai à oser la 3D. Il est vrai que cette technique, d'ordinaire réservée aux superproductions, donne corps aux chorégraphies. Elle les rend « sur-réalistes ». Le spectateur se sent happé par le mouvement des corps. Les scènes n'en sont que plus belles. Néanmoins en termes d'intention de réalisation, n'est-il pas un peu convenu de dire que la danse est un art en trois dimensions ? La 3D n'était sans doute pas une nécessité.
Par ailleurs, le film manque dans l'ensemble de cohérence, d'un véritable point de vue que le documentaire de cinéma exige. Le lien entre les séquences est souvent brouillon, accompagné d'une musique omniprésente. Les souffles des danseurs auraient parfois suffi à remplir l'espace sonore. La voix de Wenders s'élève quelques fois puis disparaît aussi soudainement qu'elle était venue. Les chorégraphies sont tournées soit en extérieur soit sur la scène du théâtre Wuppertal. Pourquoi tourner en extérieur ? Les ballets construisent eux-mêmes l'espace nécessaire pour convoquer notre imagination. La peur de la monotonie d'une salle de danse l'aura emporté. Le film aurait demandé à être plus épuré. Les témoignages des danseurs sont très dispersés. Les commentaires des deux danseurs en extérieur devant le décor miniature n'apparaissent qu'une fois et n'apportent rien de plus. Les images d'archives sont mises en scène dans un cinéma comme une mise en abyme. Mais que signifie-t-elle ? Que veut nous dire Wenders par l'utilisation d'un tel procédé cinématographique ?
Ce film est donc un hommage touchant par les mots, le titre du préambule nous le dit ; par les voix, celles des danseurs ; par les archives, par les regards, par les corps magnifiés dans de somptueux paysages... Toutefois, il n'en reste pas moins un documentaire mal construit qui s'offre le luxe d'une 3D inutile.