De Peter Weir, je ne connaissais que les grands classiques : Le Cercle des poètes disparus et The Truman Show, des films cultes, que j'ai aimé certes, mais dont j'avoue ne pas faire parti des faaans absolus. C'est donc par hasard que j'ai découvert l'existence de Pique-nique à Hanging Rock, film apparemment culte lui aussi. Son intrigue énigmatique et son ambiance girly m'ont aussitôt mis l'eau à la bouche (oui, j'adore tout ce qui touche à l'univers féminin !). Et les comparaisons que beaucoup lui ont prêté, à tort ou à raison, avec Virgin Suicides ne risquaient pas d'apaiser ma curiosité. Bref, c'est très intrigué que j'ai décidé d'y goûter. J'ai dégusté, j'ai été emporté... Difficile de rester insensible face à une oeuvre aussi étrange et atypique.


Ce qui est fascinant dans Pique-nique à Hanging Rock c'est tout d'abord cette cohabitation que Peter Weir et son équipe ont organisé autour de deux antithèses : la Beauté et l'Horreur. La manière avec laquelle a été mise en scène cette contradiction compte pour beaucoup dans la réussite du film. Une question nous préoccupe : est-on en train de rêver ou de cauchemarder ? Cette ambivalence fait tout le sel du film. Il serait presque indécent que Weir rende l'Horreur aussi jolie. Si le résultat esthétique touche au sublime,il faut bien avouer que l'intrigue a tout pour faire frissonner. Résumons rapidement : au début du 20ème siècle, les élèves d'une école privée partent faire un pique-nique à Hanging Rock ( d'où le titre...) Bientôt, trois élèves et une enseignante disparaîtront, laissant leurs camarades et collègues sous le choc. L'équilibre monotone de leurs existences s'en verra brisé. Une intrigue digne des plus grands thrillers et pourtant, nous comprendrons plus tard qu'il est difficile d'attribuer un genre à cette oeuvre sans pareil: thriller, drame, film d'horreur ? En tout cas, pas de frissons à l'horizon. Tout n'est qu'onirisme, lenteur et pureté. Et c'est même pas chiant !


Côté plastique, tout n'est que délicatesse. On ne peut qu'admirer cette esthétique, ultra léchée certes, mais sans fioritures. Pique-Nique à Hanging Rock est d’une beauté visuelle assez incroyable, et ceci, grâce notamment à la photographie de Russell Boyd, assisté d’un certain John Seale (dont on comptera plus les merveilles par la suite). Il en est de même côté personnage. Voir évoluer ces jeunes lolitas raffinées, sensuelles et virginales donnerait presque les larmes aux yeux tellement c'est beau. Le tout, nimbé d'une (bonne) pincée de saphisme refoulé, so sensual... Et puis, il y a le visage de Miranda,ce beau visage qui restera une trace cinéphilique indélébile. N'est-elle pas qualifiée de "Botticelli's angel" par Mademoiselle de Poitiers, son ambigu professeur de français ? On a connu pire comme compliment. Seule ombre au tableau, le personnage de Mrs. Appleyard, la directrice, qui tranche avec la douceur ambiante : incarné avec brio par l'imposante Rachel Roberts, celle-ci apparaît comme un savant mélange entre Judith Anderson dans Rebecca, Louise Fletcher dans Vol au dessus d'un nid de coucou, et Ursula dans La Petite Sirène.


L’épuration des décors renforce le mystère et l’identification du spectateur. Pique-nique à Hanging Rock se déroule au début du XXème siècle. Cela aurait pu être prétexte aux décors en carton-pâte et à l'académisme… Il n'en est rien. Peter Weir refuse le superflu et c'est tant mieux, cette option concordant parfaitement avec l'ambiance générale du film. De même qu'aucune explication rationnelle n'est délivrée à la fin. Un choix contesté qui déroutera sans doute les spectateurs les plus cartésiens, souhaitant à tout prix comprendre ce qu'ils regardent (vous savez, ceux qui cherchent l'explication de tel ou tel film sur internet quand ils n'ont rien compris). Les autres apprécieront : amateurs d'énigme, ce film est pour vous ! Celle-ci persistera ad vitam æternam.


Rêve, cauchemar ? Pique-nique à Hanging Rock est un film en rose et noir (et ne cherchez pas la moindre comparaison avec le film de Jugnot), un chef d'oeuvre éthéré qui ne ressemble à aucun autre. Et d'ailleurs pas tellement à Virgin Suicides.

Bruno_Calgagni
9
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le 7 sept. 2016

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Arthur Vigier

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