En 2007, lors de la sortie de Pirates of Caribbean : At World’s End, censé clore la trilogie, son producteur, Jerry Bruckheimer, évoque déjà la possibilité de faire une suite à la condition expresse de repartir sur des voies nouvelles. Aussi, quand l'opportunité d'un quatrième opus de la saga se présente concrètement, le feu vert n'est pas long à obtenir.

Le quatrième opus sur les rails, les studios comme le producteur s'évertuent à revenir aux fondamentaux du premier épisode : ils visent ainsi un film moins cher et, aussi, un scénario moins alambiqué. Pour cela, les auteurs décident de se baser sur un roman préexistant. Ils jettent alors leur dévolu sur le récit fantastique, On Stranger Tides, écrit par Tim Powers.

Les scénaristes Ted Elliott et Terry Rossio (les mêmes que ceux des trois premiers films), construisent sur ses bases une adaptation dans le respect de l'univers de Pirates des Caraïbes. Ils conservent du roman, Barbe Noire, sa fille et la Fontaine de Jouvence et y rajoutent les sirènes ainsi que de nombreux clins d'œil d'éléments historiques réels comme les rois George II d'Angleterre et Ferdinand VI d'Espagne.

Les studios Disney réclament le retour de Gore Verbinski à la réalisation, mais le cinéaste est déjà en train de s'affairer sur une production plus personnelle. Le producteur Jerry Bruckheimer confiera les rênes de cette suite à Rob Marshall pourtant connu pour ses échecs.

Pirates of the Caribbean : On Stranger Tides sort en 2011 et garde le même nom que le roman qu’il adapte.

La Fontaine de Jouvence puise ses origines dans la nuit des temps. L'Homme voue, en effet, quelque soit son époque, une véritable fascination pour la Jeunesse Eternelle. Elle se retrouve ainsi déjà dans l'histoire biblique du jardin d'Éden, où une fontaine prend sa source d'eau au pied de l'arbre de la connaissance, au centre du paradis, pour alimenter les quatre fleuves coulant vers les points cardinaux. Bien plus tard, selon une légende populaire apparue après sa mort, l'explorateur espagnol Juan Ponce de León, compagnon de Christophe Colomb vers le Nouveau Monde, découvre la Floride alors qu'il était parti à la recherche de la Fontaine de Jouvence. Mais les légendes d'une eau régénérante existent bel et bien des deux côtés de l'Atlantique, avant la quête de Ponce de León et longtemps après. Un rescapé d'un naufrage qui a vécu 17 ans avec des Amérindiens en Floride, publie, par exemple, à son sujet des mémoires dans lesquelles il situe la Fontaine de Jouvence en Floride, non loin du point d'ancrage de Ponce de León.

De nombreux pirates seront à sa recherche, dont Barbe Noire. Edward Drummond de son nom de baptême est un pirate historique, une légende. Sa représentation finit par se fixer en l'image d'un homme à la barbe tressée aux bouts fumants, en uniforme et portant des pistolets accrochés aux cartouchières qui lui bardent le torse. Ian McShane interprète un Barbe-Noire sanguinaire et sans pitié dont le petit côté ambigu fait douter le spectateur de sa noirceur totale, le rendant ainsi plus humain et finalement plus riche notamment grâce à la présence de sa « fille ».

Angelica Teach, fille de Barbe-Noire, hérite du rôle central féminin, ancienne conquête de Jack Sparrow. Interprétée par Penélope Cruz, elle vient de l'idée que Jack Sparrow se devait d'avoir une contrepartie féminine de caractère, capable de rivaliser avec lui. Sauf qu'au final, l'alchimie ne prend pas et le duo sombre tellement dans la caricature que personne ne peut, un instant, penser crédible leur relation. La conséquence de cette situation est catastrophique : tout l'arbre central du scénario s'effondre d'un seul tenant. Il est amusant de savoir que Penélope Cruz était enceinte durant le tournage, c'est sa sœur Mónica Cruz qui la remplace dans les scènes d'action.

On retrouve, évidement, Johnny Depp en Jack Sparrow, mais sa prestation est décevante. Le personnage n'a pas évolué d'un iota. Johnny Depp s'est enfermé dans ce rôle dont il a pourtant construit lui-même les contours et qu'il a imposé aux producteurs. Mais voilà, Jack Sparrow est devenu une telle icône que les créateurs comme son acteur n'ont pas tenté quoique ce soit avec lui. Il trempe dans le formol avec une impression amère d'être une caricature de lui-même.

Pire encore, à l'inverse parfait, le Capitaine Barbossa, toujours interprété par Geoffrey Rush, se retrouve aux antipodes de ce qui faisait sa réputation et son intérêt. Rangé dans un plan de carrière (il est désormais au service de sa Majesté), il a tout perdu de sa superbe, alors même que sa véritable force trouve sa source dans son éternelle confrontation avec Jack Sparrow. Le personnage a tout faux et perd en noirceur comme en comique : un véritable accident industriel.

C’est tout de même sympa de revoir le guitariste des Rollins Stones Keith Richards en Teague Sparrow, le père de Jack Sparrow.

Au delà des premiers rôles, le film puise sans vergogne dans la mythologie et s'empare des sirènes qui figurent, parmi les créatures les plus emblématiques de l'imaginaire collectif, à un rang de choix. Les légendes et les contes mettant en scène ces femmes hybrides qui, par leurs chants mélodieux et leur beauté ultime, subjuguent les marins pour s'emparer de leur vies sont, en effet, légions. Ici, on apprend à connaître une sirène du nom de Syrena (quel imagination) et sa relation amoureuse avec un jeune missionnaire. Sam Claflin et Astrid Bergès-Frisbey sont tellement ridicules que leur histoire en est risible. Le jeune homme a le charisme d'une huître tandis, que l'actrice française semble se demander ce qu'elle vient faire dans cette galère.

Riche d'éléments fantastiques, le film manque, en revanche, foncièrement de rythme. Si il a l'avantage d'être moins alambiqué que ses prédécesseurs, le film est, en effet, celui de la saga dont l'intrigue est simplisme. Ce n'est pas un mal en soi dès lors que le vide du scénario est comblé par des scènes d'actions dignes. Ici, ce n’est pas le cas. En dehors de la fuite à Londres et de la bataille contre les sirènes, le spectateur n'a pas vraiment besoin de retenir son souffle ou d'écarquiller les yeux. Pire, il a plutôt envie de se boucher les oreilles tant l'opus est bavard. Tout ici a une fâcheuse tendance à trainer en longueur. Il a certes de bonnes idées mais les exploite mal ou pas assez : l'arrivée des espagnols, les sirènes, le Queen Ann's Revenge méritaient, il est vrai, beaucoup mieux que le traitement qui leur est réservé.

Le film est composé de péripéties bavardes et bordéliques, un joyeux fouillis où chacun crie, grimace et dégaine sabre et pistolet à la moindre contrariété (profitons-en pour souhaiter la bienvenue à une petite nouvelle au rayon des armes, la poupée vaudou). Dans cette avalanche de retournements de situation prévisibles et sans enjeux, de gags sans originalité et de scènes d’action manquant de souffle, une certaine indifférence atteint rapidement le spectateur et s’accrochera malheureusement à lui jusqu’aux derniers instants.

Les effets spéciaux, bluffant dans la trilogie, n’ont rien de vraiment transcendant car il n'y a finalement que très peu de moments de bravoures. En revanche, il convient assurément de tirer un coup de chapeau aux décors réels ou numériques qui sont magnifiquement traités par une photo splendide. Le Queen Ann's Revenge vaut ainsi le détour aussi bien pour son allure que pour les bonnes idées et autres trouvailles dans son fonctionnement.

Il n’est d’ailleurs pas étonnant de constater que la série des Pirates des Caraïbes a finalement cédé aux sirènes de la 3D, dont on qualifiera gentiment l’apport de superflu. Plus sérieusement, il faudrait véritablement se poser la question de l’utilité de cette technologie pour ce genre de film : la plus-value spectaculaire reste extrêmement négligeable tant le rythme soutenu du montage ne donne absolument pas le temps de flemmarder sur la beauté des mouvements, volumes et perspectives.

Pirates of the Caribbean : On Stranger Tides est le film de trop tant il démontre que la saga tourne désormais en rond. L'opus est long, convenu et ennuyeux. Reste à son actif, uniquement la richesse de l'univers sur lequel il s'assoit et le dépaysement qu'il propose.

StevenBen
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le 20 juil. 2023

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Steven Benard

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