Film vu en avant-première à la Cinexpérience #11 en présence du réalisateur, Antoine Cuypers.
Une fois de plus SensCritique à fait un bon choix, un choix difficile, qui ne plaira pas à tout le monde, mais un choix audacieux, que de mettre en avant ce premier long-métrage au sujet aussi dur.


L'histoire est celle de Cédric, un jeune homme d'une trentaine d'années, vivant encore chez ses parents, et ayant une pathologie (l'autisme) qui à aucun moment du film est appelé par son nom, qui veut s'émanciper de sa famille. Son père étant malade veut essayer de l'aider à mener ce projet à bien, en l'accompagnant à travers un voyage en Autriche, pays que Cédric apprécie tout particulièrement, avant que lui-même passe l'arme à gauche. Mais vu sa pathologie, en dehors de son père personne ne croit en ce voyage, va-t-il oui ou non ce faire, la question n'est pas vraiment là. Puis que l'action du film se déroule pendant un repas de famille improvisé chez les parents pour une annonce de leur fille. Pour cela toute la petite famille est conviée, même Cédric. Cédric voulant montrer les progrès qu'il a fait, et qu'il entreprend via son voyage ramène toute l'attention sur lui ce qui n'est pas aux goûts de chacun.


Voilà en gros le synopsis du film, j'ai peur de vous en dire plus, car le film est sujet à interprétation, mais dans une seconde partie de ma critique j'aimerai tout de même vous apporter la mienne.


La mise en scène est assez poussif voir pédante, le film n'étant quasiment qu'une suite de magnifiques plans très léchés, ce qui à force devient désagréable, car on en a trop et on n'arrive plus à les apprécier. Pourtant tout n'est pas à jeter dans cette mise en scène, puisque elle est très réfléchit, par exemple lorsque l'on va suivre le personnage principal, Cédric, de dos, le point sera fait uniquement sur lui, et l'arrière plan avec les autres personnages sera flou, alors qu'à l'inverse, un plan qui se contrera sur certains personnages commencerons flou et nous montrerons ces personnages net qu'au moment où ils quittent l'action qui se déroulait sous nos yeux pour mieux nous montrer que la famille et Cédric ne sont définitivement pas dans la même réalité. Lui leur reproche d'être considéré comme différent, et eux lui reproche cette différence, même si à plusieurs reprises dans le film ils lui disent que ce n'est pas sa faute.


Une scène est particulièrement marquante, puisque c'est la seule tourner de cette façon, c'est la scène du slow-motion lorsque la pluie s’abat sur le barbecue familiale. Cette scène est très forte par son message, ici l'on veut enfoncer le clou une fois pour toute et dire au spectateur, vois-tu que cette famille à plus d’égard pour leur repas que pour Cédric, fils, frère, beau-frère, tonton... Cette scène est très puissante et marque pour moi l'entrée dans le vif du sujet, mais cette scène si à part dans le film, semble également forcée en terme de réalisation; faire du beau pour du beau, faire le plan iconique car le réalisateur à super envie de le faire, bref c'est beaucoup trop voyant, et du coup ça dessert le film.
Il aurait fallu un ou deux plans similaires dans le film en plus afin de justifier ce choix. Mais passons, certains verront peut-être justement un plan à part à l'image de Cédric.


Pour un premier film en plus d'un scénario au sujet difficile, nous avons droit à un beau casting, avec pour commencer un Thomas Blanchard exceptionnel dans son interprétation de Cédric, une Nathalie Baye à contre emploi qui montre tout l'étendu de son jeu, Arno Hintjens (mais si le Arno le chanteur) tout en retenu, Ariane Labed agaçante au possible mais terriblement juste dans son jeu, Eric Caravaca personnage effacé qui finalement ne se sent pas légitime au sein de cette famille attendant l'approbation constante du père, Cathy Min Jung personnage des plus important, une des seules à vraiment faire attention à Cédric et à essayer de le comprendre, se sentant constamment exclue de cette famille qui lui laisse les tâches ingrates comme seule marque de confiance, Arthur Bols petit garçon extraordinaire qui apporte un regard neuf sur une situation familiale qui prête à confusion, et pour finir Julien Baumgartner, le frère aîné, la fierté de la famille, l'opposé de Cédric, celui qu'on aime, celui dont on veut des nouvelles, qu'on est heureux de retrouver, bref le fils "parfait".


Je viens de vous parler de cette situation familiale qui prête à confusion, je vais revenir dessus tout de suite mais pour cela il va me falloir dévoiler des choses importantes du film, je vais donc masquer la partie qui suit.


Sur le début du film on nous présente les personnages, les parents paraissent aimant, mais en même temps distant avec Cédric. On comprend vite que Cédric souffre d'une pathologie, mais ce n'est qu'après la scène de la pluie que l'on comprend que cela va avoir une si grande importance. Car avant ça, nous avons déjà plusieurs indices (dont certains déjà trop appuyés ?), la scène de la forêt où la belle-sœur s'inquiète pour son fils seul avec Cédric, et la scène du barbecue où la sœur et la mère de Cédric s'en prennent à lui car il s'inquiète que sa sœur ait un enfant qui puisse souffrir d'une pathologie; les autres qui ne pensent qu'à fêter l’événement de la grossesse de la fille voit tout de suite le mal dans les paroles de Cédric. Et déjà à ce moment là les femmes de la famille hausse le ton avec lui (fait important j'y reviendrai).
Puis vient cette fameuse scène de la pluie qui nous montre une fois pour toute si on ne l'avait pas compris qu'il y a un vrai problème dans cette famille qui n'a aucune considération pour Cédric qui compte moins que ce qu'ils ont dans leur assiette.
Après laquelle nous avons cette scène entre Cédric et son père qui vient brouiller les pistes, où le personnage de Arno est très émouvant, ce qui finalement n'est qu'un leurre, puisque étant malade il sait très bien qu'il ne fera jamais ce fameux voyage en Autriche avec son fils.
Et vient le gros morceau du film, le repas de famille. C'est ici qu'on va se rendre compte des problèmes évidents, la sœur de Cédric à peur de ce dernier et ne l'a jamais vraiment aimé, la mère lui reproche de lui avoir gâché sa vie, le père l'aime mais ne sait comment lui montrer son affection et est asservit par sa femme, le beau-frère le prend pour un gentil demeuré, son neveu l'aime bien, sa belle-sœur à de l'affection pour lui mais ne sait quoi penser de lui et de sa famille, quand au frère aîné, il représente l'anti-Cédric, et donc le mal, il est celui qui le terrorise, qu'il craint, et il est en même temps tout ce que Cédric voudrait être aux yeux de sa famille (j'ai déjà fait le détail plus haut).
Cédric fait de gros efforts, mais personnes ne s'en rend compte et on le considère toujours comme le petit garçon qui criait constamment et qui fait que des bêtises, alors qu'aujourd'hui c'est un homme, et un homme cultivé, un homme qui perçoit les choses, qui comprend bien mieux les gens que les autres membres de sa famille, bref quelqu'un de bien plus humain que les autres personnages de ce film.
Il va vouloir démontrer par plusieurs fois qu'il n'est pas celui que l'on pense, il va d'abord vouloir démontrer que s'il est considéré comme fou, comme différent, cela vient peut-être de sa famille qui n'a pas su reconnaître les appels au secours du petit garçon qu'il était et que c'est eux qui l'ont transformé en ce monstre qu'ils sont convaincu qu'il est (l'exemple des verres avec le petit garçon est frappant); puis il y aura la fameuse scènes des deux pommes qui est une de mes préférées, car ici il va montrer son intelligence et sa grande humanité comparé aux autres personnages qui égoïstes comme ils sont n'auront même pas une proposition à soumettre au pauvre Cédric.
Puis vint le moment tant attendu de la venu du frère aîné à cette joyeuse soirée, où pour faire taire ce monstre de vérités, leur mère lui demande de le coucher (dans une chambre qui ne s'ouvre que de l'extérieur); pour cela le frère aîné va se jeter sur Cédric, le frapper, et lorsque Cédric lui dit tout bas de lui dire qu'il l'aime afin de monter sans plus d'effusion, le frère le frappe, encore, et le malmène jusqu'à sa prison. Prison, oui car en plus de ne s'ouvrir que de l'extérieur on le sangle à son lit.


Pour moi on est en plein dans la maltraitance, car je connais des familles avec un enfant autiste, je sais que leur combat au quotidien peut-être difficile, mais faire ce qu'ils font à Cédric est très loin de l'amour ou de l'affection et de l'attention qu'il devrait avoir.


C'est donc un film très dur, je ne vous ai pas parlé de tout, mais la scène où Cédric imite son frère est crainte de vérité lorsque l'on voit la dernière scène du repas (d'ailleurs vous verrez que la sœur à ce moment là à changer de place et ce n'est pas anodin). Puis tous les moments avec le petit garçon apporte ce regard extérieur qui est si crucial pour comprendre ce qui se passe dans cette famille si désagréable.


Certes les personnages sont tous antipathique, le film est très contemplatif sur sa première partie, le réalisateur en fait trop à l'image, mais le sujet du film est si poignant, les personnages font si vrai, pour moi ce film est très bon, malgré tous ses défauts (le fait que le réalisateur ne prenne finalement pas position, qu'il n'y ai pas de réel message au film). A voir !

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le 21 janv. 2016

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Le_Guide_Barbu

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