Princesse Mononoké
8.4
Princesse Mononoké

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1997)

Ancré dans la culture et mythologie japonaise, Mononoké fait s’entremêler une multitude de significations cachées et autres symbolismes religieux (notamment shintoïstes).
Mais il n’est pas nécessaire d’être Japonais pour apprécier les beautés et les richesses inépuisable de cette œuvre.
Ce nouvel hymne à la tolérance et à la vie est d’abord une expérience unique et bouleversante qui va au delà des frontières culturelles.


Malgré cela, Princesse Mononoké reste, certes acclamée ; mais dont il est récurrent de ne retenir que les éléments simpliste car déjà, réduire une telle œuvre au simple rang de « fable écologique » c’est renvoyer le studio Ghibli au rang de sponsor pour Greenpeace.
Il est donc bon ton de ne pas fausser l’interprétation de ce terme.


Une fable, si elle délivre en effet une morale, n’est pas, à la base destinée spécialement aux enfants et autres esprits limités, bien au contraire. L’ami La Fontaine se retournerait dans sa tombe s’il savait que ses petits bijoux sont aujourd’hui appris à des enfants qui n’en comprennent pas le quart. Une fable, quand elle est réussie doit pouvoir se lire sur plusieurs plans. Dans le film qui nous intéresse le plan écologique existe, mais il n’est, ni le plus important, ni le plus intéressant.
En effet pour le cas précis de Miyazaki, la nature n’est pas un enjeu mais bien un protagoniste. Penser qu’un shintoïste considère la nature comme une simple toile de fond qui ne peut que subir l’influence et la "folie des hommes" relève soit d’un contre-sens absolu, soit d’une grande paresse intellectuelle.


On a souvent insisté sur la complexité du scénario, mais je ne trouve pas l’histoire compliqué en soit, il est déjà moins évident d’en appréhender toute la symbolique.
Peu habitué à l’animation japonaise, on peut être surpris par le traitement car ici, notre vision manichéenne du monde est balayé… ce n’est pas l’habituelle lutte entre le bien et le mal. Pas de “méchants” ni de “gentils” mais juste des protagonistes qui ont tous une vision différente et défendent leurs intérêts; le conflit naît de l’incompréhension et de l’absence de dialogues, chacun restant sur ses positions.


Ce n’est pas souvent qu’un film d’animation nous montre que, dans le monde, rien n’est blanc ou noir. L’exemple d’Eboshi est frappant. Que penser de cette femme ? un sentiment qui oscille entre colère et profonde admiration. Les autres protagonistes sont aussi placés sous le signe d’une troublante ambiguïté.


Même Ashitaka n’est pas exempt de sentiments haineux, ce n’est pas le genre de héros qui réussit tout. Sa quête est d’ailleurs plus spirituelle que basée sur l’action.
C’est d’ailleurs une des forces des œuvres de Miyazaki, exprimer une philosophie à travers les actes.


Sans aucun sentimentalisme, Miyazaki arrive à faire ressentir un torrent d’émotions de la tragédie qui nous est contée, les personnages sont bouleversants d’humanité empreint d’une indescriptible mélancolie.
Toute love-story archétypale et brûlante est ici éjectée au profit d’un sentiment de respect envers les deux héros, l’histoire de San et Ashitaka symbolise cette alliance entre l’homme et la nature.


La représentation de la nature dans ce film est montré dans toute sa splendeur, son mystère mais aussi sa cruauté. On voit des papillons luminescents qui volent au-dessus d’une empreinte de pas, des pieds humains qui foulent un sol à l’herbe dense et cotonneuse, des libellules qui flottent dans les airs comme des étoiles scintillantes, des cerfs qui marchent au loin dans une lueur solaire et quasi enchanteresse, des loups aux yeux verts qui serpentent entre les arbres de forêts touffues, des singes aux yeux rouges qui se perchent de façon immobile sur un arbre mort en pleine nuit, un jeune guerrier contemplant la forêt au crépuscule, un gigantesque esprit lumineux qui marche à travers les montagnes, des forges polluantes bâties au beau milieu d’un lac naturel…


Le combat homme/nature prend une dimension onirique se mêlant d’une profondeur tragique qu’on vît comme étant un authentique rêve d’enfant explorant les moindres recoins dont on ne souhaiterait pas sortir, histoire d’aspiré toute la beauté de cette épopée fantasmagorique en quittant cet univers de mythes et de légende, né de l’imagination d’un immense artiste qui n’a jamais cessé de traduire son amour infini pour l’être humain.


Une âme sacrificielle d’une myriade d’artiste en voix d’extinction, qui a fait de Mononoké un diamant des plus précieux et constitue l’une des plus grandes réussites de Miyazaki.

DivinecomdiedeDante
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le 26 janv. 2015

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