Je suis tombé un peu par hasard sur Psiconautas, cherchant fébrilement les films indé du mois de mai 2017. Et voici que mes yeux se posent sur ce film d'animation déconseillé aux -12, "entre Lewis Carroll et Guillermo Del Toro" vois-je ici écrit. Grand admirateur du premier et me délectant des univers fantastiques et sombres du deuxième, l'écume déjà me monte à la bouche. Mais horreur ! Il ne passe plus à Strasbourg depuis la veille... Qu'à cela ne tienne, j'irai le voir à Metz !
Et me voilà donc parti avec ma chère et tendre, avalant 165 km et crachant 24€ de péage pour enfin visionner Psiconautas, de Alberto Vazquez et Pedro Rivero.
Est-ce que ça valait ce détour ?
OUI.


Psiconautas est adapté de la bande dessinée du même nom d'Alberto Vazquez, parue dans nos vertes contrées en 2016. La BD a donc été publiée en France après même que l'adaptation cinématographique ne soit pondue en Espagne, et il aura fallu attendre deux ans pour qu'un distributeur (gloire à lui, sans déconner !) ne s'ose enfin à proposer en France ce film d'animation pour adultes, dur, violent et acerbe, terriblement lucide.


Dinki est une petite souris adolescente vivant sur une île isolée, autrefois havre de paix, mais ravagée il y a quelques décennies par une catastrophe industrielle. Sur ce monceau de terre oublié de tous, désormais les ordures font partie du paysage, et la détresse humaine est un standard. Bien décidée à rejoindre l'autre côté de la mer, et la ville qu'elle espère prospère, elle se joint à une lapine, Sandra, et un petit renard, dénommé ambitieusement Petit Renard, pour traverser l'île et trouver une embarcation. Mais surtout, elle cherche Birdboy, un enfant oiseau qu'elle connait bien, souhaitant qu'il se joigne à eux.


Cette quête semble bien périlleuse dans cet univers froid, cruel, où la satyre est omniprésente. Sur l'être humain, et sur ce qu'il engendre. L'on sent poindre le vent nécessaire (sur cette île et dans notre société) de la révolte écologique lorsque le long métrage met en scène la déforestation quasi gratuite d'une bonne partie de l'île.
Tout le squelette du film est bâti comme un arbre : la détresse humaine sert de tronc, et puise dans ses nombreuses racines (isolement, deuil, pauvreté, chômage, solitude, ...) en développant de nombreuses branches (addiction, dépression, affections mentales, drogue, décrochage scolaire, racisme, ...)
Les dessins sont très sombres, glaciaux, et instaure une ambiance parfaitement au service du propos du film. Le scénario évolue de manière logique et cruelle, Dinki rencontrant sur son chemin toujours plus de personnages déchirés et détruits, tentant de noyer leur détresse dans tout ce qu'ils trouvent (formation de gangs, sectarisme, héroïne, violence, traffics...)
Le métrage aborde un nombre complètement ahurissant de thèmes, restant toujours cohérent et jamais forcé, dressant une liste presque exhaustive de tous les travers de la nature humaine.


Et puis, dans ces ténèbres épaisses où le spectateur s'abandonne, deux moments bien précis et distincts, d'une grand poésie, viennent sans trop de mal arracher quelques larmes, devant la beauté des décors et la profondeur du propos.


Le film s'attarde particulièrement sur le personnage de Birdboy, sans doute le plus brisé de tous, devant affronter ses démons engendrés par la solitude, le deuil et la culpabilité. Le personnage, pourtant muet, apparait d'une densité et d'une justesse presque inédite dans un film d'animation.


Au moment où le générique est apparu, je suis resté sans voix. Cruel, dur, critique, Psiconautas secoue, dérange parfois, émeut, bouleverse. Très bien illustré et parfaitement maitrisé dans sa narration, il réussit à dire en 1h20 ce que des films de 2h30 peinent à aborder sans se perdre. Regorgeant de symboles, de détails, il se révèle d'une incroyable richesse sous ses airs faussement faciles et enfantins.
Au final, je n'ai aucun doute là-dessus, Psiconautas est une réussite totale, un très grand film, et le meilleur de 2017 jusqu'à maintenant.

QuentinYuanMalt
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le 12 juin 2017

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Yuan Cloudheart

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