Guerre d'Algérie et cinéma, le sujet est casse gueule. L'affiche si féroce annonce un quitte ou double. Le réalisateur (scénariste sur Un Prohphète de Jacques Audiard) rassure tout de même.
La scène d'ouverture fait office de prophétie quant à la suite de ce film: ce que vous verrez sera violent et personne n'est ni bon ni gentil, c'était ça l'Algérie. Et si je n'ai aucun lien (intérêt particulier, familial) avec ces événements historiques, ce qu'on nous en dit à l'école n'étant pas assez développé non plus pour intéresser, ce film me donne totalement envie de mieux comprendre cette période historique.
Pour en revenir à cette ouverture de film, des français préparent la diffusion pour le soir même d'un discours de CDG (l'homme, pas l'aéroport). Dans la tente de l'infirmerie, dont l'entrée est décorée d'une tête de mort, trois résistants jouent à la courte paille avec un français. Perdre à ce jeu cynique, c'est perdre la vie. Un premier sert d'exemple et c'est violent, on y croit, le son du coup de massue terrorise, on ressent l'impact du coup. Le second s'apprête à suivre son confrère, il va pour parler. Le reste de leur troupe décime le camp in extremis. Il se pense sauvé. Le troisième et dernier joueur de la courte paille se rappellera de ce qu'allait faire son voisin, il l'assassine car on ne peut compter de traites dans notre troupe. La valeur avant la vie, la couleur est annoncée.
Mais si le film est si brillant, c'est surtout pour son casting impressionnant. Chaque rôle est traité avec précision, l'interprétation est chirurgicale et juste. On retrouve l'actrice principale du très bon Papicha (Lyna Khoudri, qu'elle gagne un César assez vite svp!), le Maire des Misérables dans un registre autre mais taillé pour l'acteur et une flopée d'autres très bon interprètes.
L'Algérie semble si juste alors que je ne l'ai jamais connue. J'ai l'impression d'y être. Tout personnage a un intérêt scénaristique, il fait avancer l'histoire, mais encore mieux, représente un intérêt personnel, dévoile une panoplie de regards sur cette guerre complexe. Chacun a un intérêt personnel légitime à être de cette aventure, et cet intérêt primera sur le but de la prétendue mission, extirpant alors les protagonistes d'un manichéisme inutile. La nature humaine est examinée au scalpel: les liens de nationalité, de sang, d'intérêt sont chacun analysés, poussés dans leur réflexion, rangés dans un ordre hiérarchique différent selon le personnage.
En bref, regardez ce film. 2020 s'ouvre avec un cinéma français d'une telle qualité qu'il faut le soutenir. J'espère sincèrement que ce film fera autant de bruit que Les Misérables, qu'il promet une carrière aussi belle à ces acteurs. Soutenons le cinéma, soutenons CE cinéma!