Comment ne pas être frustré par Quadrophenia ? Le concept avait tout pour plaire, à commencer par le matériau de base, l'un des meilleurs albums des Who, une perle musicale d'une puissance démesurée. Après avoir savouré le très bon Tommy (adaptation cinématographique de leur premier opéra-rock), j'ai abordé avec une avidité non dissimulée Quadrophenia. Il suffisait que les images soient juste assez bonnes, la musique ferait le reste, et je me voyais déjà transporté par la voix de Daltrey et les compositions de Townshend.
J'ai bien vite déchanté... En effet, les Who n'occupent qu'une vingtaine de minutes cumulées de la bande-son. Si vous vous attendiez à un vrai "film musical", revoyez tout de suite vos espérances. Mais bon, il n'y a pas que la musique dans un film, il y a aussi le scénario non ? Eh bien... alors que Tommy, avec sa horde de personnages loufoques, se prêtait bien à une transposition cinématographique, ici, les scénaristes semblent patauger un peu.
Le propos est flou, souvent peu intéressant. La détresse de ce jeune homme et les paradoxes qui animent sa vie nous sont bien montrés, mais jamais la puissance évocatrice de l'album ne sera atteinte, et les créateurs du film ne s'aident pas en "boudant" presque le matériau musical. Un petit extrait instrumental par ci, un petit extrait instrumental par là... eh les mecs, c'est bientôt la fin du film, on va ptêtre caser quelques chansons quand même !
Je ne dis pas qu'il n'y avait pas moyen de faire un bon film sans s'appuyer plus fortement sur la musique. Le film n'est pas mauvais, par ailleurs, malgré son rythme parfois bancal. Mais c'est vraiment à la fin, lorsque "5:15", "I've Had Enough" et "Love, Reign o'er Me" retentissent que le film décolle, que les images voient leur intensité décuplée et que le spectacle commence, pour s'arrêter presque immédiatement. Quadrophenia aurait pu être génial, peut-être un chef-d'oeuvre. Il restera un film sympathique comprenant quelques très beaux passages. À côté de quoi nous sommes passés, nous ne le saurons sans doute jamais !
Ma scène préférée : les falaises de Brighton, ou comment l'un des meilleurs groupes de rock de tous les temps vous transforme un plan hélico sympa en petite merveille artistique.