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Les baronnes du coupon de réduction

On est en 2021 et, fait toujours aussi invraisemblable, Kristen Bell n'a toujours pas percé sur le grand écran. Celle dont on connaît tous le visage grâce aux séries "Veronica Mars" ou encore "The Good Place" se cantonne à de rares apparitions au cinéma dans des comédies -souvent romantiques- plus ou moins oubliables sans que personne n'ait la curieuse idée de lui offrir des rôles plus consistants. Alors, quand arrive pour une fois un film avec un sujet un tant soit peu original et la comédienne en tête d'affiche, il faut bien avouer que notre petit cœur fait un bond (oui, on est très fan de la personne comme vous l'aurez sans doute compris) et que l'on a très vite envie de découvrir si Dame Bell a enfin trouvé un rôle à sa pleine mesure dans ce nouveau long-métrage. Dans le cas présent, et ce même si le résultat est loin d'être parfait, on peut être au moins rassuré sur ce point : l'incroyable histoire au centre de "Queenpins" permet à l'actrice de monter une palette de son talent bien plus large qu'habituellement au cinéma.


Bien sûr très romancé par rapport à la véritable affaire de 2012, le système frauduleux monté à partir de banals coupons de réductions par deux femmes au foyer (trois en réalité) fait partie de ces faits divers U.S. sidérants qui ont tout pour être un sujet idéal de film hollywoodien. Et "Queenpins" maximise évidemment tout sur le pouvoir d'attraction de cette histoire sidérante pour nous introduire auprès de ceux qui vont y jouer un rôle-clé après un flash-forward classique mais toujours alléchant dans ce genre de récit où la chute est inévitable après une ascension fulgurante.


Tout débute ainsi par la frustration de Connie Kaminski (Bell), une ancienne triple championne olympique devenue une femme au foyer brisée par son impossibilité de devenir mère. Son obsession pour les coupons de réduction, entretenue également par JoJo (Kirby Howell-Baptiste) sa meilleure amie en échec professionnel, est devenue un véritable refuge à son mal-être par les petites victoires lumineuses de gratuité qu'ils représentent sur un vaste système capitaliste. Mais, alors que sa douleur demeure face à un mari qui préfère la fuite, Connie va aller encore plus loin et dérober des surplus de coupons à la source de leur production afin de les revendre à la moitié de leur valeur et, avec un peu d'aide extérieure, engranger une fortune qui va se compter en millions de dollars. En parallèle, le film suit également le point de vue de Ken Miller (Paul Walter Hauser), un contrôleur de supermarchés tout aussi insatisfait de sa propre vie, qui va remarquer la surabondance inédite de ces coupons et tenter de retrouver celles qui se cachent derrière cette fraude à l'envergure de plus en plus importante.


Entre la croissance aussi ahurissante que jubilatoire du business illégal des deux desperate housewives et l'enquête de Ken que personne ne veut prendre au sérieux, va finalement se construire les portraits croisés de personnages qui s'affranchissent enfin de leurs frustrations pour s'affirmer.
La réussite des deux femmes a beau les rendre quasiment aveugles sur l'illégalité de leurs agissements de plus en plus absurdes, elle permet dans le même temps à Connie de s'émanciper progressivement de son mariage malheureux pendant que JoJo y développe une forme d'indépendance professionnelle dans laquelle elle se met à briller. Et Il en va de même de l'acharnement de Ken à résoudre son affaire qui, après avoir été trop longtemps dénigré, va peu à peu évoluer au contact de ses échanges avec un agent des services postaux (Vince Vaughn).
Si la volonté première de "Queenpins" est bien entendu de nous faire sourire devant le caractère abracadabrant de son histoire, il n'oublie jamais de garder un œil sur l'humanité et les blessures de ses protagonistes qui en sont le base, rendant tout aussi touchante la force de l'amitié entre les deux héroïnes que celle en construction entre l'enquêteur bouffon et celui qu'il prend pour modèle. D'ailleurs, quand ce quatuor sera amené à se croiser dans la dernière partie du film, cela débouchera sur un très bel échange entre les personnages de Kristen Bell et Paul Walter Hauser, leur offrant un rapide moment d'osmose, de compréhension mutuelle, sur le chemin personnel qu'ils ont parcouru et fondé sur le même sentiment d'insatisfaction vis-à-vis de leurs existences respectives.


Trop souvent inconstant dans l'équilibre qu'il cherche à entretenir entre les extrémités dramatiques et comiques (aïe, le passage lourdingue de la planque et du "carillon") que son récit lui permet de recouvrir -un traitement plus rigoureux à la "Moi, Tonya" (parfait modèle de mix humour grinçant/tragédie) aurait pu amener ce sujet vers quelque chose de tellement plus grand- "Queenpins" ne peut hélas prétendre qu'à un statut de comédie d'arnaque mineure mais l'attachement irrésistible que l'on ressent pour ses personnages, le sens pertinent de leurs évolutions et ses jolies envolées feel-good qui atteignent parfaitement leur cible (il suffit de voir le large sourire avec lequel on ressort du film) réussissent à faire ressortir en partie le long-métrage d'Aron Gaudet et Gita Pullapilly de la moyenne du genre.


Et Kristen Bell y est parfaite de surcroît. Donnez-lui plus de premiers rôles au cinéma, bon sang !

RedArrow
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le 2 oct. 2021

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RedArrow

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