"Vénus de Milo/Anus de J-Lo, je veux tout" - Booba - "Friday"

Encore une fois la note que j'octroie à ce film va le perdre au milieu de ma liste "Meilleurs et pires films de 2019" (allez la voir lol lâche un like mdrrrrrrr :smileybave: :smileyconnard:), et c'est dommage car ce film ne manque pas d'intérêt et n'a pas manqué de me faire penser. Il fera partie de ces mentions honorables de l'année, ni géniales ni nulles, qui m'ont plût et qui méritent bien que j'en parle modestement ("Port Authority", "Pirahnas", "El Reino" peuvent d'ors et déjà entrer dans cette catégorie).
Ainsi je lui laisse une chance d'avoir une critique à lui. Chose rare. Vous l'aurez noté.


D'abord il me faut vous dire que je ne m'attendais pas à ce type de film, car oui, derrière sa promo tapageuse type "Ocean's eleven" sexy avec casting pop, "Queens" est un film indépendant New-Yorkais plutôt de la veine sociale, le bougre... Ainsi, l'ambition du film hautement supérieure à celle qui nous ai vendue l'emmène, non plus dans un pur divertissement abrutit, mais sur le terrain des idées. Et c'est justement sur ce terrain que le film est attaquable.


Adoptant une construction avec voix-off type "les Affranchis" sous couvert de l'interview faites dans le cadre d'un article de presse (celui qui a inspiré le film par ailleurs), "Queens" est un énième film sur la crise de 2008, sauf que celui-ci est traité d'un point de vue tout à fait neuf puisque nous avons cette fois la crise des subprimes vécue par des stripteaseuses.


Notons d'abord l'intérêt porté aux décors et costumes qui représentent coup sur coup l'opulence ou le dépouillement (richesse/pauvreté dans un système d'opposition qui n'est pas sas rappeler le Henry Hill des "Affranchis" encore lui); ceci dans une optique de la représentation d'un pur matérialisme consumériste, du bling-bling à outrance et de l'ultra-libéralisme dogmatique. Le mot "money" est répété au moins 30 fois dans le film.
Cet aspect qui m'avait mis mal à l'aise au départ ne me paraît pas si critiquable en l'état. C'est une question de "genre". En vue du récit du film (une arnaque d'ampleur), de la narration éclatée et à rebours, de la présence d'une bande (un gang finalement) et du soucis de dépeindre un milieu clôt; on se trouve bel et bien dans le cadre du film de gangster, au féminin.
Mais pas ce genre de film post-Weinstein + #metoo où il s'agit puérilement de remplacer les hommes par des femmes en faisant le même film, sans réflexion, sans subtilité, quitte même à trahir les champs du plausible dans des mises en scènes de fantasmes de gangstérisme malsains (je pense à "Les Baronnes" que je n'ai pas vu mais qui m'horripile déjà).
Non, on est là sur un récit tangible (preuve : il est inspiré de faits réels) et vraiment intéressant.
De ce fait si on accepte cette présupposé et qu'on se trouve bel et bien dans un film de gangster, il serait hypocrite (surtout pour ma part qui suit adepte du genre) de juger les personnages moralement et de surcroît les intentions de l'auteur qui ne fait que représenter de manière réaliste le milieu dépeint. De là découle la logique de la mise en scène parfois criarde, clipesque qui emprunte beaucoup au clip de rap (on pense notamment au rap US et le courant Trap qui a fait du strip-club un stéréotype de représentation, pour notre plus grand plaisir).
Sacs Louis-Vuitton, fourrures en chinchilla, bijoux dorés sont ici l'apanage du culte de l'argent et du paraître, là où le costard de luxe, la chevalière et la coupe en brosse était l'uniforme du mafioso (notamment italo-américain). Si ce train de vie peut mettre mal-à-l'aise c'est tant mieux. Le film montre bien que les violents retours à la réalité (crise, arrestation) détruisent l'univers capitalisto-paradisiaque de ces femmes, perdues puis retrouvées.
De plus le véritable but du film est de montrer l'amitié, intemporelle entre deux femmes/associées, au delà de l'argent, du train de vie, des épreuves et des crimes. Et la fin du film assez subtile va en ce sens avec les scènes de discussions en champ/contre-champ, plans serrés, faible profondeur de champ et inserts sur les mains jointes des deux personnages principaux.
(Pour rappel le film est produit par McKay - Ferrel dont on connaît l'attrait pour la critique du monde de la finance).


Néanmoins, (ben oui sinon j'aurai pas mis un 6) le film s'il réussit à mener ses représentations à terme et à lancer des réflexions, se perd à mon sens dans une modalité branlante dû à des aspects marketing. Si la promo du film le place sous l'angle du pur divertissement à destination des adolescentes, il est vrai que le film en lui-même ne sait pas vraiment sur quel pied danser. Film de gangster indé ou divertissement pop claqué ?
"Queens" se perd trop souvent dans des scènes très fades de mise en scène bad-ass de ses soit-disant héroïnes. On passera aussi sur les séquences "montage" (en américain dans le texte) qui se résument à de simples clips m'a-tu-vu pour iconiser les stars du cast. Et ceci au delà du fait que la mise en scène soit dans l'ensemble assez impersonnelle.
Aussi, de nouveau sur le discours, le film aurait eu besoin d'un peu de nuance sur la supposée indépendance qu'apporte l'argent volé à des traders de Wall Street à ces femmes. Je trouve ce discours assez malhonnête car indépendance il n'y a pas, mais juste un niveau de dépendance plus malsain, plus pervers; dépendance à la société de consommation d'abord mais aussi à cet argent volé aux traders qui est le même qu'elles amassaient mais dans des conditions différentes (avec violence). Ce qui nous emmène vers cette veine tentative de "rachat moral" des personnages d'une lourdeur et d'une inutilité exténuante. Grosso modo : les méfaits (elles droguent des types pour leur voler du blé) des protagonistes sont sans cesse justifiés par le choix des victimes. Suite à la crise, elles s'attaquent à des traders/banquiers etc, qui sont eux-mêmes des voleurs impunis, donc pour le film c'est tout bon, emballé c'est pesé. Le problème est qu'on ne s'attarde jamais sur les victimes (ce sont tous des beaufs), à l'acception d'une, la fois de trop : le trader est gentil et a un gosse trisomique... aïe...malaise dans la salle... tout ceci minimise ou plutôt détourne le statut criminel de l'entreprise de ces femmes en voulant les placer au niveau d'un Robin des Bois ou d'un Salvatore Giuliano. Sauf qu'on se fou de savoir si leurs actions sont bonnes ou mauvaises, il faut dépasser cette notion de bien et de mal (Nietzsche si tu passes par là) qui pousse à justifier les actes ici présentés. C'est extrêmement contre-productif, poussif et quasiment malhonnête dans la cas présent.
Ceci me fait dire la chose suivante : malgré le fait que le film soit bon, il reste opportuniste vis-à-vis de l'époque que l'on vit. Pour se placer à tout prix dans une optique supposée féministe, le film perd de son intérêt, de sa teneur corrosive qui aurait été souhaitable. On ne devrait pas chercher à glorifier les actions, à les justifier mais juste les montrer.


Dans un registre plus terre-à-terre, il faut reconnaître que le casting est dans l'ensemble très bon. Y a de belles plantes (... désolé pour ça) et des situations cocasses assez réussies. On aurait aimé voir Cardi B montrer un peu plus l'ampleur de son jeu (car son apparition relève du caméo). Les scènes de lap-dance et pole-dance sont très correctes mais le film reste très très sage sur la nudité. Mais... parlons du premier rôle. Jennifer Lopez.


Bordel.


J-Lo évince toutes les actrices du film. Indéniablement. Aucunes ne lui arrive à la cheville. Je ne suis en aucun cas un fan de Jennifer Lopez musicalement et encore moins au cinéma. Mais il faut reconnaître qu'au delà de son physique, à faire pâlir toutes les cinquantenaires, proche de la perfection sculpturale des déesses callipyges Antiques (sa scène de lap-dance est un sommet où l'on voit tout le potentiel érotisant d'un corps en forme, dans tous le sens du terme); Jennifer Lopez est une excellente actrice. Très belle évidemment, très charismatique, interprétant cette mère de substitution vulgaire, à la personnalité forte mais savamment sexy. Chaque nouvelle tenue, chaque robe est une ode au dévoilement de la peau à une sorte de science du paraître. Sa palette d'émotion assez large sert un personnage qui aurait été caricatural interprété par n'importe qui d'autre. C'est pour moi l'une, si ce n'est la plus grosse réussite du film.


En bref : bien tenté. Le film porte en lui les questionnements inévitables du Hollywood de notre ère, sans jamais prendre partit ni radicalement, ni subtilement. Le tout reste un film sympathique qui aura au moins servit de base à ma réflexion. Et ça c'est déjà pas mal !


Adieu.


(PS : le titre français est nul, il faut expliquer aux jeunes 2000 élevés à la TV-réalité et à Beyoncé qui usent et abusent de ce terme, qu'une "reine" acquiert son pouvoir et sa richesse par sa famille et non ses efforts, donc le titre original de "Hustlers" au sens divers, est bien plus judicieux).


P'tite ambiance strip-club pour les coquinous by Rae Summurd et Nicki Minaj : https://www.youtube.com/watch?v=fwrY0D2ACNk

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le 18 oct. 2019

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