Le mal n'est pas toujours là où on le croit - Analyse -

Je sais que tout le monde se fout de ce film, moi compris. Parfaite manière d’introduire le sujet que je vais avoir à traiter aujourd’hui (comme si j’écrivais mes analyses en un jour, quelle hypocrisie sans nom…). Je me permets donc de dresser ce simple constat, à savoir que tout le monde s’en fout, par le nombre de personnes qui ont noté celui-ci ; 5 et donc 6 avec moi. Certes, tout le monde n’est pas inscrit à Sens critique, le film étant britannique, j’ose bien imaginer que celui-ci a, à l’époque, été distribué au cinéma ou à la télévision. Partant de là, le nombre de personnes ont pu le voir a sans doute été beaucoup plus important. Mais ça aussi on s’en fout, non ? Ce film, c’est juste l’occasion rêvée d’essayer pour un modeste critique issu comme tant d’autres d’internet comme moi, sans aucune légitimité ni envie, de s’attaquer à l’apparent inintéressant, au lâche inconforme pour tenter de donner un intérêt à ce film désuet. N’empêche que c’est à moi que reviens la dure tâche de critiquer cet inconnu à tant de bataillons. La pression est là. Je parle d’intérêt, mais est-ce que le film en a, du moins ? Je pense que je ne me serai pas sué à faire une critique dessus si ce n’était pas le cas. Aller, amener le Clap, on tourne. Action.


Rappel du synopsis : « Une veuve attire des orphelins chez elle pour leur offrir un somptueux repas de Noël. Mais elle se révèle être une dangereuse psychopathe ». Quand on est fan de thrillers, de films d’épouvante, on pourrait largement être intéressé par ce que le film nous propose dans son pré-résumé de visionnage. On nous annonce donc la présence au casting d’une psychopathe, et les psychopathes ou la folie au cinéma, on sait que ça attire les foules.
Ca sentait le bon film, le thriller angoissant à la Misery avec une femme en rôle-titre, l’expression de la peur illuminée magnifiée par la présence, au tableau, d’enfants souffrant de l’incandescent et froid courroux d’une flamboyante givrée. Le film sentait le tabou concernant ces thématiques, une plongée dans la plus ragoutante des horreurs cinématographique, entraînant le plaisir que les fans de cinéma de genre adulent.
Pourtant, le synopsis a tout faux. Rien de ce qui est marqué n’est la pure vérité à défaut de nous révéler des informations qui sont véridiques.
Propre à toute bonne critique puis analyse d’un sujet, il convient d’en revenir au factuel, à ce que l’on voit. Que voit-on ?


Rosie Forrest est une américaine installée dans un manoir de campagne. Chaque année, elle invite les enfants d’un orphelinat du village à venir passer Noël dans sa demeure. Faits à remarquer, elle a perdu son mari, prestidigitateur, ainsi que sa petite fille Katherine dans un accident domestique. Nos deux protagonistes sont des enfants de bas âge : un grand frère, Christopher, et une petite sœur : Katy. Pas conviés au réveillon de Noël en raison de comportement jugé comme mauvais par les tenants de l’orphelinat, ils vont s’introduire en douce au réveillon de la veuve. Cette « Tante Roo » va se prendre d’affection pour la petite Katy (dont le nom renvoie à Katherine en tant que diminutif). Puis va s’ensuivre un jeu d’affection entre les deux personnages, puis une volonté pour Rosie d’adopter la petite fille en l’enlevant au grand dam de Christopher, qui a découvert que la vieille conserve et couve le cadavre de sa fille. Quelle grande malade. Celui-ci, persuadé de vivre dans la réalité le conte d’Hansel et de Gretel, et d’affronter une sorcière, va donc tenter de s’enfuir avec sa petite sœur malgré le refus de Tante Roo, qui souhaite garder les deux enfants sans l’accord de l’orphelinat. Après moulte stratagèmes qui conduiront à la mort de la tante, ils rentrent à l’orphelinat et tout est bien qui finit bien dans le meilleur des mondes.
C’est le cheminement que l’on pourrait considérer comme « normal » du film, le résumé bien dans ces bottes, ce qu’on voit. Sauf que je ne suis pas d’accord avec ce résumé naïf. On y reviendra plus tard.


Un avis général sur le film Simon ? Moyen, très moyen. Vraiment. Si je n’avais pas trouvé un point de réflexion, je l’aurai vite oublié.
Problème : il va faire partie de ma liste d’analyses que je chérie tant, même si on dirait un téléfilm plutôt qu’une vraie œuvre de cinéma. Pourtant, certains points font que l’on ne peut pas considérer ça comme un film prévu pour la télé, ce qui se prouve en quatre points qui vont me permettre de passer vite le sujet :
- Point 1 : la thématique : même si les téléfilms ne sont pas tous mignons, il n’empêche que parler de la folie d’une femme en deuil qui conserve le cadavre squelettique de son enfant en guise d’idole n’est pas dans les canons habituels de la télévision.
- Point 2 : la réalisation : à ce niveau, il faut bien avouer que si l’on n’a pas de parti-pris, elle est présente. Nombreux sont les plans séquences qui laissent les personnages se mouvoir devant la caméra pendant quelques minutes, il y a des jeux de miroirs qui sont là sans vouloir faire de mise en abîme, des plans fixes qui s’attardent sur certaines situations gênantes. Le film a été fait avec soin.
- Point 3 : le casting ou plutôt la castée : la présence de Shelley Winters, figure bien connue du cinéma d’après-guerre qui a traversé les âges et les genres jusqu’aux années 1990. Sa filmographie longue comme les rangées d’humains d’Human Centipede III (sacrée référence) est bourrée de classiques et de films cultes. Elle joue dans ce film de manière correcte, et donne son côté « paillette » au film, bien loin des téléfilms de l’époque.
- Point 4 : le fourre-tout : la présence du montage pour entrainer un certain suspens, la volonté de mettre le film dans une certaine ambiance d’épouvante via le huis-clôt et l’ambiance sonore général. Le tout est mal fourré et se retrouvera raté.


La question que je me suis posé à la fin du film et le fruit de mon désaccord, c’est LA question qui a jalonné mon visionnage complet de celui-ci : qui est le méchant ? Une interrogation, que l’on le veuille ou non, possède toujours un certain but. C’est un peu comme vos amis qui vous posent une question plus ou moins précise ; vous savez que, dans le fond, la personne souhaite réellement savoir quelque chose en rapport avec cette question, et la réponse « rien/comme ça » à votre « pourquoi ? » ne pourra jamais satisfaire votre insatiable naissante curiosité. Que de mystères dans l’âme humaine. Hormis, bien entendu, le bon vieux « ça va man ? » : on est d’accord que ce genre de question n’est que le fruit de la politesse, voire de l’habitude, et n’essaie en rien de sonder votre esprit dans le but de répondre à une question existentielle. Le but de mon interrogation, ce fût de se poser une question essentielle, qui en amèneront d'autres : qui est le méchant dans le film ? Car il y en a un, mais lequel ?
Si la réponse, au premier abord, peut sembler évidente : la méchante c’est Tante Roo, elle kidnappe la fille, elle l’enferme dans la chambre, elle s’oppose au héros du film, elle est folle, etc… Facile non ? Le problème, dans ce genre de cas, c’est l’explication que l’on peut donner d’un comportement, du moins ce que le film nous donne comme indice pour l’expliquer. Si j’explique un comportement qui me fait passer pour un salaud par une volonté de faire le bien (renversement du vice), ou un grave problème personnel qui m’oblige à réagir de la mauvaise manière (circonstances atténuantes, de la pure cause à effet), et ce que je serai toujours aux yeux de l’autre une crapule ou le contexte factuelo-psychologique me donnera raison ?
Dans le cas du film, nous avons en face de nous une méchante qui adopte les deux possibilités. Elle a volonté à faire le bien, vu qu’elle essaie d’aider des enfants dans le besoin, et souhaite adopter les deux enfants pour leur offrir le couvert et la chaleur d’un vrai foyer, en plus de rompre avec sa solitude. De plus, elle est victime d’une supercherie de la part de ses employés pour lui soutirer de l’argent et a besoin d’espoir pour continuer. Là est le renversement du vice. De l’autre côté, c’est une femme qui a tout perdu, son mari et surtout sa fille dans un accident évitable. C’est le comportement qu’adopte Rosie dans le film : la posture du deuil, la posture de la mort de quelqu’un ou quelque chose que l’on ne peut accepter, surtout venu de manière si spontanée (accident domestique). La perte de son sang, c’est la perte d’une partie de nous, l’amour que notre cœur et notre esprit avait mis dans la personne pour qu’elle vive, sourit, ressente de la joie, du bonheur, et puisse par la suite la transmettre aux autres personnes qui l’entourent. Perdre cette partie de nous, c’est donc nous perdre nous-même, et c’est là qu’est l’horreur de la situation. La mort est irrémédiable, nous perdons notre nous pour le restant de nos jours, et il est impossible de revenir en arrière. Dans le film, Tante Roo n’accepte pas que sa fille soit morte et s’obstine à conserver son cadavre, comme un totem, comme une idole de son bonheur passé. Après que la supercherie du médium (qui lui faisait croire entendre la voix de sa fille alors que c’était la bonne) a été étalée au grand jour, elle n’a plus rien pour se rattacher à la vie. Katherine va lui apporter cela. Surtout que, dans le film, elle n’est pas réellement méchante avec les enfants : les « sévices » qu’elle leur fait subir s’apparente plus à de simples punitions (genre : je t’enferme dans ta chambre oulala la psychopathe, Seven et No Country for Old Men remballez-vous). Si Katherine veut rester, c’est Christopher, convaincu que la bonne femme est en réalité une sorcière, qui force sa candide sœur à vouloir s’échapper. Et va tuer Tante Roo, avec volonté de le faire.
C’est le caractère intentionnel de la mise à mort du personnage, le fait qu’il y éprouve une certaine forme de plaisir (de tuer la sorcière), le fait qu’il soit berné par une illusion, et non en possession de ses moyens rationnels pour juger du bien du mal, le fait qu’il ne comprenne pas les motivations de Tante Roo de juste aider les enfants, font de lui le méchant du film. Il a beau avoir 12 ans, les faits que le film du film nous donne l’occasion de voir sont tels. Le titre du film est là pour nous rappeler où est l’importance de ce que nous voyons. Et c’est là que des questions plus larges sont apparues dans mon esprit.


De manière plus générique, qu’est ce qui fait la saveur d’un méchant dans un film ? Comment pouvons-nous le reconnaître ? Qu’est-ce qu’un méchant, en fin de compte, et qu’est ce qu’un bon méchant ?
Quand on pense à des grands méchants au cinéma, on pense donc au film de Fincher, ceux de Tarantino, au Silence des Agneaux, et d’autres monstres mythiques du cinéma qui ont traversés les époques, de La Nuit du Chasseur avec son méchant déshumanisé à The Dark Knight avec son Joker adepte de la théorie du chaos dans le but de sortir le monde de son apathie mensongère.
Ce qui fait la saveur du méchant d’un film, dans un premier temps, c’est sa froideur, le fait qu’il soit persuadé qu’il agit dans la plus pure logique et la plus pure vérité, qu’il soit possible, en retournant nos valeurs, de pouvoir s’identifier à lui. D’un côté, les méchants les plus pervers du cinéma, et ce qui nous choque le plus, c’est l’apparent humanisme dont ils peuvent faire usage, pour par la suite retourner cela à leurs avantages. Pas de Hans Landa mythique dans Inglorious Basterds sans la première d’introduction où il apparaît comme un gentil, pas de génial Anton Chigurh dans No Country for Old Men sans la scène cultissime de la station-service où il deviendra, malgré la tension de la lancée de la pièce, humain malgré lui. C’est ce côté humain, que ça soit dans les choix, ou dans les motivations, qui rend ces méchants sacrés dans le cinéma. Bill dans Kill Bill 2, où Lecter dans la saga Hannibal, c’est des discours intemporels sur la capacité de l’humain à être la plus pire des ordures (celui de Kill Bill 2 est d’une claque sans nom) et à s’en rendre compte. Des méchants sans motivation, méchant de manière caricaturale, sans cette touche d’humanité, figure clichée de l’antihéros, on les oubliera. Dark Vador est mythique pour son charisme, mais également pour le retournement du Retour du Jedi. Même Mickael Keaton dans Spiderman Homecoming est marquant, car voulant avant tout protéger ses hommes et sa famille des conséquences désastreuses des actions de nos super-héros. Apparaît quelque chose qui fait que le film me marquera, malgré le faible impact qu’aura le fim dans le légende du cinéma, c’est que je me suis retrouvé dans une situation où je ne voulais pas que le méchant à la fin meurt. J’avais pris parti, comme beaucoup d’autres spectateurs. J’ai stressé, j’ai ressenti de la compassion pour cette ordure. Et je m’en souviendrai, le film avait renversé mes valeurs et m’avait mis le doute sur mes propres pensées.

Pourtant, nombreux sont les fous qui resteront quand même dans nos pensées : je tourne mes yeux vers Joffrey et Ramsay de Game of Thrones. Pourquoi nous adorons les détester ? C’est parce qu’ils sont parfaitement convaincus de la manière dont ils ont de fonctionner, parce que ce sont des sadiques qui ne savent pas remettre en question leurs choix et s’y porte jusqu’au bout, comme tellement d’entre nous qui n’ont jamais pris le recul nécessaire sur les choses de notre vie. Joffrey est un lâche et s’y portera jusqu’au bout. Ramsay veut de la puissance et aime faire du mal par plaisir. C’est ce qui nous fascine dans les méchants, leurs motivations, leurs personnalités font que nous les connaissons, nous les suivons, nous voulons qu’ils nous fassent plaisir en prenant enfin le bon choix. Quand ils n’y arrivent pas, nous nous délectons de leurs défaites. Quand ils y arrivent, même l’espace d’un instant, nous sommes troublés mais tellement content. Nous adorons les détester car justement, ils nous font provoquer de la haine envers eux. Ils nous font provoquer quelque chose.
Au final, les grands méchants du cinéma, sont ceux qui nous font ressentir des émotions, que ça soit de l’énervement ou cet espoir que l’humain n’est peut-être pas si mauvais. Tous les éléments cités plus haut, s’ils font ressentir du doute, de la joie, de la tristesse ou même de la peur, n’empêche pas que le caractère monstrueux que peut revêtir l’homme, et dont le dégoût peut faire écho à certaines sombres pages de l’histoire de l’humanité. Il n’en reste pas moins que ces méchants sont le reflet des sentiments les plus viles de l’homme, dont nombreux ont été les exemples. Il suffit juste d’ouvrir les livres d’histoire. Ces méchants ont tout de même la particularité de nous faire ressentir des sentiments, avoir des avis contradictoires sur le pourquoi du comment et nous font nous dire que nous sommes, au final, des personnes douées de raison qui sommes en vie. Qui vivons, qui palpons la réalité, aussi dure soit-elle parfois, et respirons au milieu d’une foultitude d’autres. Voilà ce qu’est un bon méchant de cinéma, celui qui montre que la vie existe.


Si je me souviendrai de ce film, c’est bien parce le méchant, Christopher, m’a fait me poser des questions, j’ai senti mon intellect s’émoustiller. Le fait que ça soit un gosse renforce la chose, bien évidemment. Le film insiste sur le fait que c'est un gosse noué d'une mauvaise volonté, et avant même que celui-ci ne soit vraiment introduit. Et de voir que je me suis fait avoir, au final, encore une fois, renforce aussi bien une sorte de frustration. La frustration est un sentiment, j’ai vécu quelque chose en regardant ce film. J’ai décidé d’écrire une critique dessus et d’y prendre du temps. Encore une raison pour laquelle j’aime le cinéma : il me fait vivre

Simon_Besançon
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le 1 juil. 2018

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