Quelle bonne surprise que ce Red rocket ! Un film qui nous fait rire, tout autant qu’il nous tient en haleine, nous fait traverser des émotions contradictoires, mais aussi un film qui montre une Amérique qu’on connaît moins dans le cinéma hollywoodien, une Amérique délaissée. Sean Parker nous raconte dans son nouveau long métrage, l’histoire de Mikey Saber, ancienne star du porno à Los Angeles, qui revient dans son village natal dans un coin perdu du Texas après avoir perdu son travail, son argent, et à peu près tout ce qu’il possédait. Décidé à faire son « grand retour » dans l’industrie du porno, c’est avec l’art de la séduction et de la manipulation mentale qu’il entreprend de retisser des liens avec ses anciens voisins et notamment avec son ex-femme. Le personnage principal est aussi égoïste et narcissique qu’il est attachant, d’une part pour les personnages qui l’entourent, mais aussi pour le spectateur. Ce dernier est prêt à tout pour arriver à ses fins, puisqu’il ira même jusqu’à essayer de convaincre une mineure de 17 ans de se lancer avec lui dans le porno. Je trouve le film brillant par son scénario, son travail sur le personnage principal et pour sa mise en scène. Tout est fait pour nous faire attacher à ce personnage naturellement comique et sympathique, mais c’est avec la mise en scène que Sean Parker nous montre par des regards, des travellings et autres mouvements de caméras que Mikey Saber est en réalité un manipulateur obnubilé par son intérêt propre. Au-delà de l’histoire, le film prend soin de nous raconter en sous texte le délaissement d’une Amérique rurale, de l’abandon progressif des laissés pour compte qui s’accentue depuis plusieurs décennies, puisque Harrington évoquait déjà l’ « Autre Amérique » en 1968. Le contexte dans lequel évoluent les personnages n’est en effet pas anodin puisqu’il s’agit de la période électorale de 2016 aux Etats-Unis, et notamment des débats houleux entre H. Clinton et D. Trump dont on voit d’ailleurs des extraits dans le film. On le sait, il y a aujourd’hui une réelle scission aux Etats Unis entre l’Amérique qui vote Trump, et celle des démocrates. Le film prend ici le point de vue des ces personnes animées par un sentiment d’abandon de leur gouvernement, et par un ras le bol général des bas salaires, du manque de couverture sociale, etc. L’anti-rêve américain par excellence, dans la poursuite de ce qu’avait déjà entrepris dans un tout autre registre Chloé Zhao dans Nomadland.

EdgarHugon_de_Viller
7

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le 8 févr. 2022

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