Rêves
7.5
Rêves

Film de Akira Kurosawa (1990)

Rêves c'est un film à voir plusieurs fois.
Et j'aurais presque envie de dire régulièrement.
Pour bien saisir tout ce qu'il y a à saisir.
Pour bien entrer dans ce voyage onirique, au final pas aussi onirique que cela.
Car dans ces huit sublimes courts-métrages, tous mises en scènes de rêves que Kurosawa a eu, durant toute sa vie, on peut voir une relecture puissante et émouvante d'une vie.


Des angoisses enfantines liées à des mythes, aux peurs finales d'un monde décentré de l’essentiel, en proie à une technologie meurtrière.
C'est un voyage.
Exigeant, certes, par ses longueurs quasi insoutenables (La tempête de neige et sa pénible et lente progression dans une tempête cataclysmique), par son ambiguïté de propos, sa bizarrerie (on est bien là dans cet univers du rêve dont chacun fait quotidiennement l'expérience de la noirceur et de la complexité, parfois même de l'incohérence), par ses références (notamment celles aux mythes et rites culturels du Japon qui traversent l'enfance de notre protagoniste)...


C'est un monde dont on ne sort pas indemne, quoique veuille nous faire sentir Kurosawa avec le dernier court-métrage, le superbe et heureux Le village des moulins à eau, qui pèse plus alors comme une menace : "Voilà ce que nous devrions faire, semble nous dire le réalisateur. Et voilà à quoi nous échappons en préférant à la nature et à sa pureté et simplicité la violence de l'industrialisation, de la guerre, du nucléaire."


On est là face à un film rare, un film testament dans lequel, après une flopée de films mythiques, l'un des plus grands réalisateurs au monde se dévoile après s'être tu. Il s'y raconte, y donne son avis, ses peurs, ses espoirs. C'est émouvant car tellement humain. Le film est comme un cadeau, un guide, auquel se référer constamment, un don précieux et rare, original et particulier, exigeant et évidemment pas facile.
Oscillant avec frustration pour le spectateur entre la noirceur de la guerre (Le Tunnel, peut être le meilleur court-métrage, à mon sens), la naïveté de l'enfance dont Kurosawa ne retire que les larmes et le danger de mort (Soleil sous la pluie et Le verger aux pêchers), l'angoisse face au nucléaire (avec à l'appui deux petits films éprouvants ; l'un par son fatalisme et sa mise en scène admirable de l'apocalypse - Le mont Fuji en rouge -, l'autre par la vision abominablement cauchemardesque qu'il fait d'un monde post-apocalyptique - Les démons rugissants -), les obsessions artistiques (références osées et voyage dans la peinture de Van Gogh avec l'énigmatique Les corbeaux), le film nous balade pour mieux nous déstabiliser et au final nous réconforter avec ce cadeau final, cette rêverie douce et sensible, ce Village des moulins à eau où l'on aimerait finir nos jours, et où Kurosawa aimerait surement finir les siens.

Créée

le 17 avr. 2016

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Charles Dubois

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