Je vais être honnête immédiatement, cette critique est très différente de mes autres écrits sur ce site, beaucoup moins analytique et plus personnelle (plus courte je l’espère), parce que le film que je souhaite traiter ainsi, malgré ses défauts, fut un énorme coup de cœur, une vraie pépite comme j’en voit peu et qui mérite d’être mis en avant avec l’argument le plus simple et en même temps honnête du monde : c’est trop bien.

Riddle of fire est un premier film, et avec ce premier long-métrage, je tient à dire qu’on tient un nom à suivre, car au-delà des qualité esthétiques que je vais tout de même énumérer sous peu, Weston Razooli donne à voir à son spectateur, un univers, des idées, des pastiches, des hommages et une vraie dynamique dans le rythme et le mélange de tous ces points. En un peu moins de deux heures, le réalisateur sert à son public l’un des meilleur film d’aventure familial que j’ai pu voir ces dernières années, familial dans la plus pure tradition que ce terme signifie, en incluant certes les bambins avec une approche tantôt gaguesque tantôt féerique ; mais aussi les parents, ou même les ados, les vieux, enfin tout le monde, car le réalisateur, sans jouer sur différents gros niveaux de lectures, vient mettre en scène ce sentiment universel, sommeillant en chaque (grand) enfant, de l’ordre de l’imaginaire et de l’errance. Le long-métrage suit 3 enfants, armés de pistolets à encre et de moto-cross, partis dans une quête de tous les interdits pour trouver l’ingrédient ultime, lié à la confection d’une tarte aux myrtilles destiné à soulager de sa maladie, la maman des protagonistes (et accessoirement qu’elle leur donne un code nécessaire au lancement de leur nouvelle console de jeu (« empruntée »)).

Là où Riddle of fire est très fort, c’est qu’en prenant pour base cette quête, cet objectif bien ficelé, il se permet de petit à petit se détacher d’un but vu et revu, mais surtout, sur le papier, pas vraiment palpitant, pour y inclure ce sentiment d’errance et de liberté (sans pour autant perdre le spectateur grâce à ce but) mais surtout, d’imaginaire. Weston Razooli n’a pas de budget pour ce film, et pourtant, il embrasse tous les concepts et poncifs de la fantasy, mais dans un contexte pas loin du jeu de rôle, où rien n’est concret mais où tout tient grâce à la conviction en chaque personnage de réellement vivre une aventure de conte de fée. La maman demande aux enfants d’aller jouer dehors plutôt que de rester enfermer, et c’est sûrement là, la note d’intention du réalisateur qui m’a vraiment touché, rappelant que l’aventure est souvent au pas de la porte. Un peu comme le récent The Sweet East, tout tient du premier degré constant qu’insuffle le metteur en scène dans son œuvre, malgré une réelle irrévérence comique, et il nous embarque dans l’imaginaire de ces enfants, à l’énergie démesurée, qui transforment leurs 400 coups en film de braquage, leurs courses en quête de RPG, puis en mission d’espionnage, dans cette forêt tout ce qu’il y a de plus banale, transformée en décor de conte merveilleux, où la réalité semble tangible à certaines fantaisies. Des fantaisies, des directions inattendues, plus d’irrévérence ou de péripéties qui bien que ne tenant pas toujours totalement en haleine, viennent donner une belle dynamique à l’ensemble de ce récit, qui ose s’égarer pour mieux retrouver des chemins certes tout tracé, mais qui d’un seul coup, prennent une dimension plus passionnante et émouvante, autant pour la candeur que l’espièglerie qui a été insufflé à cet univers totalement enchanteur.

Ce qu’il y a de vraiment merveilleux dans ce film, et ce qui m’a le plus touché dans toute sa singularité, c’est que Riddle of fire est avant tout un vrai pied de nez au système Américain, que ce soit dans sa forme, mais aussi avant tout son fond. Parce qu’en plus d’être mille fois plus prenant, attachant, déjanté et imaginatif grâce… à son imagination et non une démesure de moyens. C’est un long-métrage qui ne prend pas les enfants pour des cons et qui ose mettre ses protagonistes dans des situations bien moins enjolivées que ce que prône Disney et consort. On parle d’enfant qui volent de manière très méticuleuse, armés de flingues (bon en plastique, mais tout de même), qui fuguent tout une nuit, et je ne vais pas refaire tout le court de l’intrigue ; le tout dans un cadre irrévérencieux, voir parodique des genres évoqués, et qui rappellerai presque un certain Tarantino. Ce que je veux dire, c’est que le réalisateur s’amuse, et filme ses personnages avec un certain décalage entre leurs actions (souvent réprimable) et leur comportement (qui reste toujours très jovial et enfantin), ce qui créé beaucoup d’absurde et surtout beaucoup d’inattendus, d’idées encore inexplorées que le réalisateur creuse à cœur ouvert avec beaucoup de décomplexion ; il donne le premier rôle à ces enfants insolents mais sincères. Il met en scène un vrai fantasme d’enfant, sans pour autant mettre sur un piédestal les marmots qu’il filme, le réalisateur créé un pur film d’aventure, où la responsabilité des plus grands est mise à mal par l’intrépidité des plus jeunes, pour leur simple plaisir et au service de leur bon sens plutôt que d’un propos trop adulte qui viendrait sûrement dévaloriser la simplicité d’exécution du long-métrage.

Et pourtant, bien que simple et par moments un peu vain, Riddle of fire reste diablement efficace, et plus qu’un bon moment passé à voir des enfants chercher à coûte que coûte, trouver un œuf tacheté, il y est insufflé une réelle atmosphère mêlant réalisme et onirisme, qui continue de me hanter des mois après le visionnage. Réalisme, car ces enfants dirigés d’une main de maître, au point qu’ils semblent totalement délestés de toute intention de jeu, ce cadre forestier, presque carte postal des contrées ricaines, cet absence d’effets de style, qui donne l’impression que la caméra capture, comme dit plus haut, du roleplay. Et en même temps, ce rapport très étroit à la quête épique, au conte de fée merveilleux, à la sorcellerie ou à la magie, et tout simplement, ce rapport au cinéma qui vient se réarticuler à ce sentiment très précis, qui mêle émerveillement, passion et fortes émotions, la magie. La photographie granuleuse qui rend justice à ces beaux espaces verts, le travail passionnant du cadre, profondément minimaliste mais regorgeant d’idées visuelle pour mettre à bien ce sentiment d’onirisme, et puis surtout… que c’est drôle. Autant dans son écriture que ses situations, l’expression des dialogues que le jeu plus ou moins cartoonesque, et j’en passe et des meilleurs, le rythme comique offre à Riddle of fire le titre de long-métrage hilarant, qui essouffle tant il se donne de la peine à créer des situations géniales, tant il arrive à tenir le meilleur de ses comédiens, adultes et surtout enfants, et évidemment, comment il arrive à prendre le plus jouissif de chacune de ses idées. Voilà le mot, pour ce qu’il convoque, que ce qu’il provoque, Riddle of fire est un film jouissif, plastiquement impeccable, mais en gardant une simplicité d’exécution qui cache cependant un vrai travail d’orfèvrerie.

Bien que parfois un peu répétitif dans son scénario pur et dur, les limites de Riddle of fire sont vite affranchies par le résultat totalement jouissif et magique qu’est ce premier film, qui sans moyens démesurés arrive à se glisser parmi les meilleurs films d’aventure familial récent, en reprenant cette dynamique aussi cérébrale que sensitive qu’on appelle l’imagination. Un régal à ne louper sous aucun prétexte, et un superbe début de carrière pour un metteur en scène à suivre de très près.

Créée

le 23 avr. 2024

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