Rien à dire
6.3
Rien à dire

Court-métrage de Jérémy Strohm (2011)

Je l’ai plutôt bien aimé ce petit film, malgré une note peu flatteuse. Ce que je lui reproche, c’est qu’il avait un sujet mais qu’au final, il n’en dit pas grand-chose, sinon des conneries. On connaît tous des taiseux, des amis ou collègues qu’on associerait à des carpes plutôt qu’à des pies. Ces gens-là fascinent, ou attisent la curiosité voire provoquent un certain mépris. Pourquoi se taisent-ils, pourquoi se mettent-ils à l’écart ? Ce n’est pas normal, ça cache quelque chose de louche…


Pour ma part, j’ai de la sympathie pour ces personnes. Pendant longtemps, je fus un taiseux. Bien avant de m’épancher sur la vaste toile. Je le comprends, le Charles, pourquoi est-ce qu’il faut qu’il y en ait toujours un qui lui rappelle son mutisme ? Ne dit-on pas que le silence est d’or ? Pourquoi faudrait-il toujours se sentir obligé d’intervenir dans les conversations les plus oiseuses ? Je le comprends, le Charles, c’est pas toujours facile de vivre avec des cons… Je ne sais pas quelle est sa pathologie, ni la mienne, mais lui comme moi ne sommes pas aussi bien adaptés aux relations sociales que les autres. Je parle sur Internet comme Charles se lâche seul devant son caméscope, mais je suis bien d’accord avec lui, c’est pas pareil.


Alors pourquoi 5, alors que je me retrouve un peu dans ce Charles ? Parce que justement Charles est aussi con que les autres, un charlot, un vrai de vrai : à la fin du film, il assume sa particularité, c’est très bien, mais son propos est aussi vide que ce qu’il dénonce. Il avait raison, au fond, il n’avait vraiment rien à dire, et c’est quand il le dit que tout s’effondre. Il se fout bien de ceux qui parlent pour ne rien dire, qui conversent de la météo, mais il assume aussi et surtout son inintérêt pour tout ce qui l’entoure, il affirme n’avoir rien à dire sur les impôts, sur les infos, sur les fachos. Et là, son propos me consterne : au fond, il avait raison de se taire, et j’en veux au scénariste d’avoir assassiné son personnage et par là-même le film, qui lui aussi, au final, n’avait en fait rien de profond à dire. Comment peut-on finir sur un message aussi niais, alors qu’il était beau de terminer par une sorte de coming-out ou en tout cas d’affirmation d’un noble positionnement face à la bêtise crasse de la plupart de nos conversations ? Comment peut-on vouloir mettre en valeur un personnage qui ne s’intéresse strictement à rien ? Qui affirme se désintéresser de la politique, mais aussi de tout ce qui touche à son quotidien ? Je dois dire que j’en reste coi.

socrate

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