« Repose en paix ! ». Voilà le manifeste d’une génération, celle du journaliste québécois Laurent Lasalle et du DJ américain Greg Michael Gillis, alias « Girl talk ». Ce célèbre adepte du « mash-up » est devenu un symbole du choc entre la génération du droit d’auteur « à la papa » et celle du peer-to-peer.


Le documentaire nous immerge dans le monde musical de Girl Talk, dont la réputation sur les campus américains est immense. Tout comme le montant des droits qui lui sont réclamés par les artistes pop US. Ses « mash-up », il les fabrique dans sa chambre, sous le regard fascinée de sa copine, comme le ferait un ado. Chaque titre est obtenu en superposant la partie vocale de chansons existantes avec la partie instrumentale d’autres chansons à l’aide d’un logiciel informatique.


Laurent Lasalle nous rappelle que son DJ favori n’est pas le premier à créer à partir de chansons existantes : beaucoup l’ont fait auparavant avec brio, parfois impunément. Les titres comme « Bitter Sweet Symphony » de the Verve (1997) sont le résultat d’une passation entre artistes au fil des époques, et ceux qui tirent profits de cette création ne sont pas nécessairement les créateurs originaux… Mais plutôt ceux qui ont les moyens de faire valoir leurs droits sur cette création - ici, les Rollings Stones.


Dans le domaine cinématographique, « RIP! » s’attaque aussi à un monument : Walt Disney. Le père de la souris la plus célèbre de la planète et de la multinationale qui détient le plus de licences au monde pour protéger ses créations aurait lui aussi été un adepte du remix ! Alice au Pays des Merveilles, Blanche Neige ou encore Pinocchio : tous ces personnages ont été « empruntés » par le grand Walt à des productions littéraires antérieures afin de les rendre accessibles à tous les enfants. Mais alors, que dirait Walt de la gigantesque entreprise de lobbying menée depuis sa mort par son entreprise auprès du gouvernement américain pour empêcher toute réutilisation de ses personnages par d’autres artistes ?…« Libérez Mickey » ?


Pour faire ce film, Laurent Lasalle a débusqué toutes sortes d’acteurs du combat de la propriété intellectuelle. L’un des militants les plus atypiques est Dan O’Neill, dessinateur de BD de la génération hippie qui a justement détourné l’image de Mickey de nombreuses fois et créé le « Front de libération de la Souris »… L’avocat Lawrence Lessig, spécialiste du droit de la propriété intellectuelle fait lui partie de ceux qui sont pris au sérieux par les défenseurs de la forteresse du copyright. Créateur de l’organisation Creative Commons (qui propose aux auteurs des licences leur permettant d’autoriser à l’avance la réutilisation de leurs œuvres sous certaines conditions qu’ils définissent eux-mêmes), Lessig a contribué à faire bouger les lignes dans le domaine de la production musicale, littéraire ou photographique. Expert de la jurisprudence, il dégaine régulièrement le motif de « Fair Use » pour défendre les artistes comme Girl Talk. À chacun ses armes.


Dans la dernière partie de ce documentaire, Laurent Lasalle tente d’élargir le champ. Les activistes anti-copyright ne seraient pas tous des grands ados de tendance « geek ». En 2007, le groupe britannique ultra-populaire Radiohead a été le premier à laisser ses fans fixer le prix de son album (« In Rainbows », disponible au téléchargement sur leur site Internet), renversant l’ordre établi par les majors.


Après nous avoir largement baignés dans la culture anglo-saxonne, Laurent Lasalle termine son manifeste par un air de samba… l’esprit de liberté du remix viendrait du Brésil, où Gilberto Gil en a même fait une institution depuis les années 1970.


Même si l’open source commence à gagner du terrain sur le « champ de bataille » Internet, la guerre n’est pas encore terminée. « Laissez-nous mixer en paix » est le slogan de ceux qui veulent désormais quitter le règne du copyright où les jeunes générations sont considérées comme des criminels pour celui de la collaboration, où le remix est perçu comme un enrichissement du capital culturel global. Pour ceux qui n'ont pas encore choisi leur camp, ce film est à voir!

Margolaf
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le 21 janv. 2016

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