(critique écrite à la sortie du film)

J'avais entendu parler de ce documentaire pour la première fois il y a 6 mois environ, et depuis j'attendais impatiemment de le voir.
Le sujet du film, en résumant rapidement, c'est l'émergence d'un nouveau type de danse, ultra vivante et en constante évolution, crée spécialement dans le but d'offrir une autre alternative a des ghettos kids sans perspective d'avenir que d'aller intégrer un gang.

Peu à peu, le krump nait à travers différentes évolutions, ses instigateurs mettant fondamentalement en avant leur refus de céder à un penchant commercial, à une dilution de leur art qui serait causée par une diffusion massive et forcément normative.
C'est là que Rize rencontre son premier écueil, en la personne de son metteur en scène dont on laisserait pourtant volontiers la carrière de coté si elle ne rejaillissait pas en permanence lors du film : esthétisation à outrance de l'image par des filtres saturant assez moches, ralentis travaillés dans les dernières scènes, et dramatisation forcée du propos tout le long du film.

Passons rapidement sur l'aspect ultra américain du métrage, jusqu'à la caricature : manichéisme parfois poussé, héroïsation constante du moindre krumper à peine tempérée par une ironie des principaux intéressés, salutaire et trop rare. Passons aussi sur les références constantes et étouffantes à la religion, qui viennent vraisemblablement principalement de la différence culturelle et les USA de ce point de vue là.

Non le plus gros défaut de ce documentaire n'est pas là. Rize a l'ambition de nous présenter des danseurs émérites, quasiment innés, dansant instinctivement, déliés de cet aspect danse codifiée qu'on retrouve dans la plupart des styles, et qui s'affrontent dans des battles de danse, chacun rivalisant de virtuosité sur la même instru.
C'est donc une putain de surprise que constater que le son de chacune des scènes de danse du film, y compris et surtout les battles est redoublé, la prise de son directe étant remplacé par des morceaux vraisemblablement choisis par La Chapelle. Ca parait tout simplement hallucinant de faire un film sur des gens qui trippent à fond sur un son et de virer celui-ci pour le remplacer par une sélection personnelle. Au final on se retrouve donc devant un 'documentaire' qui nous présentent un nouveau type de danse sans que jamais pendant le film on entende la musique sur lequel celle-ci est effectuée. Et quand on met en parallèle la volonté des krumpers de ne pas céder à un penchant commercial (en fermant les yeux sur le fait que leurs mouvements sont énormément inspirés d'attitudes de gangsta rappers particulièrement MTViennes) et les musiques choisies par La Chappelle, d'un commercialisme écœurant pour la plupart, on en tombe le cul par terre.

Au final Rize ne mérite même pas le qualificatif de documentaire, puisque son sujet n'est pas le krump, mais ce que David La Chappelle voit dans le Krump puisqu'il n'hésite pas à dissimuler la nature même de cette danse, à la retoucher de façon très visbile pour forcer le spectateur a accepter sa vision. Une vision particulièrement superficielle de plus, aucun point n'étant vraiment développé alors que de nombreuses thématiques intéressantes sont soulevées, de l'influence des gangs à l'évolution des différents styles et la rivalité entre eux - on devine une composante tout de même légèrement aggressive complètement niée par le métrage -, en passant par l'emploi d'un masque permettant de cacher sa timidité face aux autres, ou par le parallèle entre la spiritualité apportée par la danse et celle de la religion. A la place on a droit pour une énième fois à la tarte à la crème du Back to the African Roots, et un joli moment complètement crétin où on montre qu'il y a aussi des blancs dans le Krump. Bon y'en a qu'un et on le voit 20s mais quand mêmes hey ! y'en a ! Oh pis regardez y'a des jaunes aussi ! on les a vu cinq minutes au début parce qu'ils avaient un nom marrant, mais bon la il reste deux minutes à combler coco.

Bref, sans aller plus loin, Rize s'avère un film assez moyen ayant au moins le mérite de lever un tout petit coin de voile sur ce mouvement assez peu connu. En temps que documentaire par contre, le résultat est nul, resaturé, redoublé, relifté, trituré pour présenter une vision unique, parcellaire et glossée du Krump, laissant le spectateur frustré face à la contradiction entre la pauvreté de la présentation et la richesse du sujet, qui réussit tout juste à transpercer.
Tybalt
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le 13 oct. 2010

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