Juste "Longstride". Parce que c'est son nom, et parce que j'ai du mal à appeler ce film Robin des Bois.
Sale, poisseux, violent, le film de Ridley Scott s'inscrit clairement dans la veine des adaptations réalistes et "sans concessions" de nos mythes ancestraux. Vous savez, ceux que je dénigre depuis quatre posts. Et bien le frangin de Tony Scott (que je trouve beaucoup plus rigolo, mais c'est à cause des avions et des voitures) en arriverait presque à me faire revenir sur mon jugement... Presque. Parce que Ridley a caché un film épique et bien foutu sous un scenar' complètement abracadabrantesque (remember Gladiator ?)... Et si vous voulez du Robin des Bois pur jus, vous allez pleurer.

Le Robin incarné par Russell Crowe est celui d'avant celui qu'on connait. Scott, aussi bien pour l'originalité que pour éviter tout contact frontal avec l'immortel Erol Flynn (ce qui avait coûté cher à Kevin Costner), prend le parti de nous conter les origines du héros des bois de Sherwood. Des origines par ailleurs peu glorieuses. Du moins au début.

XIIème siècle, Richard rentre de Croisade en pillant les villes françaises pour nourrir ses troupes (sensiblement différent du "bon roi Richard" de la légende, non ?). Parmi ces hommes se trouve un archer au grand sens moral, courageux et bagareur. Ridley Scott définit rapidement son personnage, et il ressemble beaucoup au Robin de la légende. Ce qui change, c'est son environnement. Déserteurs, Robin et ses compagnons usurpent l'identité de chevaliers pour rentrer en Angleterre, l'archer endossant l'habit de Robert de Loxley, aide de camp du Roi.
A partir de là, les motivations de Robin deviennent pour le moins opaques. Il remplit contraint et forcé la mission de Loxley, puis rentre à Nottingham pour rendre l'épée du chevalier à son père, aveugle Max von Sydow, 84 ans (ce qui est quand même vaaaaaaach'ment vieux pour l'époque). Une fois sur place (à Nottingham), il accepte toutes les propositions délirantes qu'on lui fait, endosse définitivement le rôle de Robert, et s'en va finalement mener la guerre contre les français.

Wai, les français.

Le scénario est délirant, je l'ai déjà dit, mais on atteint par moment les sommets du grand n'importe-quoi. Ainsi, profitant de l'inexpérience et du bouillant caractère du Roi Jean (oui, "Roi", j'ai oublié de vous dire mais Richard est mort), un de ses vils (et traitre) conseillers déclenche une guerre civile (la fameuse histoire des taxes) et permet aux français de tenter une invasion. Honnêtement, le scenar' est tellement bancal que je n'ai pas plus que ça envie de l'éclaircir.

Ce qui frappe, surtout, c'est le systématisme avec lequel Scott prend le contrepied des personnages du mythe. Marianne est tout sauf la donzelle plus ou moins écervelée qui tombe sous le charme du grand hors-la-loi, ce qui à vrai dire n'est pas un mal. Le rôle est taillé sur mesure pour Kate Blanchett, et le personnage sort grandi de cette revisitation, malgré une fin de parcours qui ne manquera pas de rappeler le Seigneur des Anneaux, jusqu'à la forme du casque.

Tuck a un petit rôle et son seul réel mérite serait de fabriquer de l'hydromel. Quant aux autres, c'est pire. Petit Jean n'est nommé qu'après 20 bonnes minutes (même si on n'était pas bête et qu'on avait tous compris qui était le grand type avec un maul), Will l'écarlate n'est qu'un nom sur une tête anonyme, et Scott a jugé bon d'adjoindre à Robin un troubadour irlandais. Le sheriff, couard au possible, ne s'offre que quelque sporadiques apparitions, essentiellement pour dire "vous avez vu, y a le sheriff aussi dans cette histoire". En somme, les personnages sont traités de manière "réaliste", parti d'un tout, loin des figures colorées qu'en fera la légende, et deviennent totalement ininteressants, voire inutiles.

Les acteurs, dans ces conditions, font avec ce qu'ils ont : beaucoup (trop) pour les uns, riendutout pour les autres. Crowe, dans le rôle du héros silencieux et solennel, trimbale son air de chien battu avec plus ou moins de conviction, laissant planer un doute sur l'existence du Prozac au XIIème siècle. Oscar Isaac a plus l'air d'un petit con mal embouché que d'un Roi perfide, mais son jeu sied au film, donc on dira qu'il est "bien". A côté, Kevin Durand reprend son rôle de grand musclé habituel, Blanchett est excellente, Van Sydow attachant et, dans un second rôle politique qui lui va fort bien, William Hurt joue le sage socialiste.

Oui, socialiste, car évidemment, il y a là dessous tout un tas de lubies toutes RidleyScottiennes qui suintent la grande démocratie et la liberté. L'amérique, quoi. Ce seul fait, s'il permet à Robin de prendre sa dimension dans l'intrigue politique du film, achève le spectateur qui n'y croit décidément plus une seconde. Parce que comme par hasard, Robin, non seulement il parle en tant que fils d'un Baron respecté, mais en plus son vrai père était un socialo avant-gardiste qui avait rangé pas mal de Nobles de son côté. Ce qu'on voit dans la bande annonce, en gros. En allant voir le film, je l'avais oubliée, cette BA. Je ne sais pas franchement si ce fut un bien ou un mal, la "surprise" du contenu politique du film m'ayant profondément ennuyé.

Qu'y a-t-il donc à sortir de ce Robin des Bois ?

Plein d'trucs, en fait. Si l'on passe sur le scenario lunaire, le film est rythmé et fort bien monté (j'ai failli dire couillu). Scott sait y faire et on ne s'ennuie pas. Les villes sont poisseuses, les costumes crasseux et l'Angleterre boueuse. C'est violent, sans être gore, les batailles sont excellement montées (à l'exception de la dernière où le cameraman est soudain pris par une réminiscence Bournienne), et le film, pour sa partie graphique, fait une très bonne relecture du mythe. C'est crédible, et c'est suffisamment rare dans une "version réaliste" pour être loué. De fait, l'indigence du scenario n'est que plus difficile à accepter d'autant que, porté par son rythme et le sens plastique de Scott pour les jolis angles de vues, Robin des Bois est un film très agréable à suivre.

En somme, je lui ferais, bien facilement peut-être, les même reproches qu'à Gladiator : c'est sympa, beau, bien tourné et bien joué, mais le néant scenaristique fout tout par terre.

Notez qu'une fois les français boutés hors d'Angleterre (ils étaient entrés de, allez, 20 mètres), Scott (enfin, le Roi Jean) se dépêche de mettre Robin hors-la-loi, boucle son film en 3 minutes, et laisse la porte graaaaande ouverte à une suite. "La légende commence", dit le carton. Wai, c'est le film qu'on voulait voir, ça, en fait...
kofneo
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le 2 nov. 2010

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kofneo

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