Une véritable reprogrammation de RoboCop

Je vais sans doute me faire lyncher par les fans du film originel avec cette critique, mais il faut se l’avouer : ce RoboCop version 2014 est loin d’être le désastre annoncé. Il peut même se vanter d’être l’un des meilleurs opus de la saga. Oui, vous avez bien lu ! Et même si, depuis l’annonce du projet, les doutes n’ont fait que planer (produit hautement hollywoodien par son budget colossal et ses têtes d’affiche, remaniement quasi blasphématoire du costume de RoboCop, mésententes entre le réalisateur et la production, l’antécédent du remake de Total Recall…), le résultat s’en retrouve pourtant surprenant. Explications !

Une chose est sûre : ce RoboCop fera sans l’ombre d’un doute grincer les dents des plus fervents admirateurs du film de Paul Verhoeven, ne reprenant aucun code instauré par ce dernier. À savoir l’humour noir (totalement absent de cette nouvelle version), la violence visuelle (le statut de « film tout public » en dit long) et, bien entendu, le nouveau look du personnage principal, qui s’apparente bien plus au Dark Knight sans ses deux pointes et sa cape. D’autant plus que le scénario, en lui-même, n’apporte rien à la mythologie de la saga.

Cependant, nous sommes bien loin du constat amer qu’avait laissé Total Recall – Mémoires Programmées : un remake qui reprend bêtement des séquences du film de base, supprimant son message au profit d’un blockbuster bien plus efficace mais au combien fade. RoboCop 2014 est ce que nous pouvons appeler un véritable remake ! Qui reprend la trame principale en réutilisant certains détails (comme la présence de l’E.D. 209, le robot mitrailleur bipède) sans chercher à faire un banal copié-collé du film de Verhoeven. Changeant littéralement les personnages (Lewis devient un homme) et certaines séquences clés de la saga (la mort d’Alex Murphy avant sa robotisation). Et allant jusqu’à actualiser le message critique qui se cache derrière le blockbuster à 100 millions de dollars !

Contre toute attente, RoboCop 2014 est plutôt riche en thématiques couillues pour un produit hollywoodien. Se permettant de comparer la politique américaine à de l’impérialisme dictatoriale via l’énonciation de l’intervention militaire au Moyen-Orient et du traumatisme post-11 Septembre. Ce qui donne à ce RoboCop des airs de Starship Troopers par le biais de la reprise de séquences de journaux télévisés, qui trouvent ici un réel intérêt à l’histoire, notamment pour faire ressortir le côté propagande de l’entreprise. Ainsi le fait que la presse soit un domaine entièrement soumis aux ordres du pouvoir en place. Le tout en passant par la dénonciation des multinationales qui tirent leur monopole commercial en contrôlant le monde.

Sans compter que le réalisateur José Padilha et le scénariste Joshua Zetumer ont préféré mettre l’action de côté afin de s’intéresser au personnage-même de RoboCop/Alex Murphy. Qui, contrairement à la version de Verhoeven, n’est pas d’office le robot que tout le monde connait (inexpressif et sans âme) mais plutôt un être humain dans un corps métallique. S’intéressant bien plus à ses tourments (son combat pour garder son humanité et une bonne stabilité de sa vie familiale). Du coup, RoboCop 2014 n’est pas vraiment le film d’action comme pouvait nous présenter les diverses bandes-annonces. Préférant prendre son temps afin d’établir la psychologie du héros éponyme.

Bien entendu, l’action n’a pas été oubliée (en même temps, il faut bien caser les 100 millions de dollars quelque part, non ?). Néanmoins, ne vous attendez pas à de grandes séquences spectaculaires, ce RoboCop en manquant cruellement. Il y a bien quelques fusillades façon jeu vidéo, mais rien qui ne puisse véritablement expliquer l’abus d’effets visuels (toutefois réussis), ni les mouvements de ninja dont fait preuve RoboCop (là, je comprends les fans). Mais il faut prendre en compte que faire un naïf film d’action n’était pas le but du réalisateur, qui s’est plutôt évertué à livrer un film plutôt bien écrit au lieu d’un divertissement écervelé.

Qui plus est servi par de grands noms hollywoodiens qui s’en sortent honorablement ! À commencer par Gary Oldman, qui porte littéralement le film sur ses épaules. Bien plus que le comédien principal, Joel Kinnaman, qui n’arrive pas à faire oublier Peter Weller (le RoboCop initial) malgré un jeu d’acteur de bonne facture. Un véritable plaisir de retrouver Michael Keaton en peine forme, nous rappelant au passage le temps de Beetlejuice et des Batman de Tim Burton. Et enfin, un Samuel L. Jackson tout simplement jubilatoire en présentateur de propagande. Sans oublier des seconds rôles (Abbie Cormish, Jackie Earl Haley) fort sympathiques.

Oui, mesdames et messieurs les fans : RoboCop 2014 n’a peut-être pas la carrure du film originel, mais il peut prétendre d’être à la hauteur d’un bon film de super-héros (étant l’exemple actuel le plus proche) ! Qui sait mélanger aisément panache et travail d’écriture. Un remake de bonne qualité, quoique peuvent en dire les médias, qui ont préféré le massacrer car étant différent du premier film. Juste à cause de cela ! C’est d’ailleurs ses différences et ses clins d’œil qui lui permettent d’être largement au-dessus de la catastrophe hollywoodienne qu’il aurait pu être !

Créée

le 9 févr. 2014

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