Comme tout le monde, votre serviteur doutait des capacités de ce remake/reboot à s'imposer, d'abord face au film de Verhoeven, ensuite comme "actioner" futuriste en cette période trouble de semi-blockbusters sans saveur. Comme pas grand monde, il avait envie de l'aimer, comme il avait voulu donner sa chance au catastrophique Total Recall de Lens Wiseman. Comme dirait l'autre, fallait pas.
Appelé autrement, je ne sais pas, moi, Lawdroid ou Mechajustice, Robocop version 2014 aurait sans doute inspiré davantage de magnanimité. Mais la comparaison inévitable avec le chef-d'oeuvre subversif de Verhoeven surligne hélas chacun de ses défauts... à commencer par ce qui devrait être la première garantie : son scénario, d'une médiocrité énervante, le nouveau venu Joshua Zetumer n'arrivant pas à la cheville d'Edward Meumeier, avec qui Verhoeven concevra par la suite le tout aussi formidable Starship Troopers. Amateurs de l'original, vous ne trouverez dans le reboot ni son sadisme provocateur, ni sa satire sociopolitique (les quelques speechs de Samuel L. Jackson en présentateur télé über-réac sont d'une puérilité criminelle), ni sa galerie de bad guys mémorables (L'énorme Clarence Boddicker en 1987, pas grand monde cette année), ni ses répliques cultes (pas même une !), ni son humour sardonique. Et vous ne trouverez aucun ajout original tentant de palier ce manque : ni le développement du couple Murphy, qui ne produit rien d'intéressant (le charme d'Abbie Cornish n'y fait rien), ni l'antagoniste de substitution joué par un Jackie Earle Haley un peu hystérique. Symptôme de cette émasculation live, la mort de Murphy, qui passe du massacre en règle (ayant failli valoir au film de Verhoeven un classement NC-17) à un banal assassinat à la voiture piégée.
La réalisation générique, la direction artistique sans caractère, la bande-originale sans saveur de l'inconnu Pedro Bromfman (mention à la bouillie qu'on entend dans la séquence d'entrainement de l'entrepôt, gros WTF) échouant même à recycler le thème original, et les performances honorables-mais-c'est-tout (à part celle de Michael Keaton, totalement pas à sa place) ne parviennent pas à compenser cette pauvreté de fond. On parlait plus haut d'émasculation. L'absence de tripes transparait jusque sur le celluloïd et le travail d'effets spéciaux faisant regretter le temps du mécanique, quand apparait à l'écran Murphy robocopé : l'implication du doué Joel Kinnaman (formidable dans The Killing) n'y fait rien, à aucun moment on ne croit à la fusion de la chair et du métal (l'effet combinaison ne disparaitra jamais vraiment), là où la créature du génie Rob "The Thing" Bottin inspirait des émotions viscérales, comme Verhoeven dans son filmage de la violence.
Les échos catastrophiques du tournage, dont le pauvre réalisateur Padilha serait sorti traumatisé (par une autre forme d'émasculation), semble placer une grande partie de la responsabilité du désastre sur les exécutifs du studio, que l'on imagine comme d'habitude incultes, vulgaires, et pressés. Ce ne serait pas une première. Quand bien même ! On n'a pas ici affaire à un semi-loupé incompris ayant le potentiel d'un futur film-culte à la Dune, ni même à un nanar de luxe que l'on se retapera bien quelques années plus tard pour rire de sa nullité intersidérale, mais à un simple mauvais film. La pire espèce.