Rabotcop ou l'art de tout mettre... à plat

A l’époque, j’étais allé voir le Robocop de Verhoeven au ciné. J’avais 13 ans et le long métrage m’avait passablement marqué. Sa violence, son âpreté, la vision d’une société ultra violente gouvernée par des multinationales sans états d’âme. Verhoeven avait réussit avec son talent habituel à marier série B, spectacle et réflexion. Trois aspects dont il ne reste rien dans cette mouture 2014.

De cette réflexion sur la violence, sa banalisation, la privatisation de la sécurité ou encore la robotisation de l’homme, il n’en reste rien ou si peu. Ici, tout est un peu fade, sans relief. Même les « méchants » sont sans saveurs, manquent de relief, autant dans leurs actes, leurs paroles ou leurs personnalités. Ils n’apportent pas un réel point de vue idéologique ni un projet sur lequel on peut réfléchir. Ils sont posés sur la route de Murphy pour qu’il puisse quand même franchir quelques obstacles. Mais les haies sont si basse, et la course si molle qu’on s’ennuie, incapable de s’intéresser aux 24 images secondes qui défilent sous nos yeux.

Le personnage central de Murphy est à l’image du film : sans reliefs. Encore humain, il indiffère par son caractère frondeur stéréotypé et ses lignes de dialogues convenues ; en conserve, il énerve puis lasse par son état amorphe, attentiste. Bille de flipper brinqueballée, soumise à la volonté du grand tout vidéo-informatique-réseau. Ce manque de volonté, d’initiative de la part de Murphy surprend puis déçoit. Qu’il s’agisse de l’enquête sur sa « mort » ou sur la reconquête de son rôle de mari/père, notre héros est soit sur-assisté par une technologie omnisciente dont il semble être le seul bénéficiaire, soit il évolue dans des scènes maladroites, avec une épouse et un fils transparent qui ne soulève aucun intérêt tout au long du film. Verhoeven avait eu l’intelligence et l’élégance de shunter la femme de Murphy rapidement pour développer la relation Murphy/Lewis bien plus forte et vivante.

Je ferais une petite parenthèse sur notre trio d’acteurs capés qui cabotinent pour ne pas trop s’ennuyer. S.Jackson, dans son rôle de patriote lobotomisé Fanboy de la NRA, fait pitié à voir tant il surjoue avec sa jolie moumoutte sur fond bleu. M.Keaton, le plus sobre, récite son texte sans trop de conviction. Un peu blasé, il donne un personnage linéaire qui disparait dans une rafale d’automatique, ne me dérangeant nullement dans mon énième bâillement. Quant à G.Oldman, son rôle de scientifique pseudo humaniste possède autant d’épaisseur qu’une crêpe bretonne sans garniture. Affligeant.

Passons en mode rafale les rares scènes d’action qui manquent de talent et de budget. De longs mitraillages en règles, ammo unlimited, où les bad guys attendent patiemment que les balles les percutent. Inutile pour robocop d’avoir un blindage pare-balles, ses adversaires s’obstinent à tirer à côté. Seul le combat avec les bipodes lui arrache quelques miettes de métal et un bras ( arf, quel douloureux sacrifice ! ) mais là encore c’est pour placer le pote flic pour une scène ridicule de sauvetage couillu « nonnetirezpassurmonpote !!! »

Je finirais sur la réflexion. Ca va être rapide. Avec les discours à la truelle de l’ami Samuel Jackson, dont l’ironie est aussi subtile qu’un Schwarzi dans un film de Resnais, les interrogations vaseuses de doc Oldman, l’électroencéphalogramme d’une platitude totale de Murphy, incapable s’interroger sur son état, ses choix, son avenir, les velléités du méchant capitaliste-Keaton voulant faire du fric facile en lâchant ses jouets dans la ville (concept d’une folle originalité), quelle asphyxie !!! Honnêtement, à aucun moment je n’ai eu l’impression d’être révolté, angoissé ou concerné par ce qui se déroulait sur l’écran. Aucun angle de réflexion original, aucune idée audacieuse, même pas un petit gadget croustillant ou un personnage subversif. Une sorte de relief belge, une platitude homogène et totale.

Robocop n’est pas un mauvais film. C’est juste un squelette, un storyboard à peine dégrossis qui manque de personnalité et surtout d’audace. Comme les robots à la chaine, un produit formaté et sans éclats.
Alyson_Jensen
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le 11 mai 2014

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