Rocky, c'est plus fort que toi !

Bien qu'il soit souvent cité pour son apparition (question de survie alimentaire) dans le fauché L’Étalon italien en 1970 , un film érotique soft, Sylvester Stallone écume également les plateaux de cinéma traditionnels dans cette première partie des seventies. Apparaissant en agresseur du métro chez Woody Allen dans Bananas ou comme figurant dans le Klute de Pakula, c'est en 1975 qu'il se fait véritablement remarqué. Il interprète Machine Gun Joe, pilote automobile déglingué aux côtés de David Carradine dans le très corrosif Course à la mort de l'an 2000, satyre violente et caustique des médias et de leur sensationnalisme toujours plus morbide en vue de satisfaire l'audimat.

Peinant à percer il décide de prendre les choses en main. Toujours fauché et impressionné par le combat de Mohammed Ali face à Chuck Wepner en mars 1975, où ce dernier tins les quinze rounds, il décide de raconter l'histoire d'un boxer de seconde zone à qui la chance de briller est donné le temps d'un combat. Ou le temps d'un film. Car derrière ce récit sportif typique du cinéma américain sur la la poursuite du rêve américain, se dresse l'auto-portrait d'un mort de faim, prêt à tout donner pour saisir sa chance dans l'industrie hollywoodienne.


Le film est conçu en pleine apogée du Nouvel Hollywood, nouveau fer de lance du cinéma américain. Les De Palma, Scorsese, Coppola et autre Spielberg ont pavé la voie pour une nouvelle façon de produire et réaliser des films. Loin des studios, et à l'image de la Nouvelle Vague française, ces démiurges ont posé leurs caméras au cœur des rues américaines. Le long-métrage se veut l'héritier de ce mouvement, avec une caméra qui colle au plus près du quotidien de ses protagonistes, comme on a pu le voir dans French Connection ou Mean Streets. On suit ainsi Rocky Balboa, petite frappe au service d'un usurier du quartier et boxeur raté dont la carrière est au point mort. Avildsen prend son temps, s'attarde sur la routine de son personnage, crée une empathie certaine envers ce paumé d'une autre Amérique, celle qui galère, pour qui l'american way of life ne signifie plus grand chose.


C'est alors que surgit Apollo Creed, figure de ce rêve américain, champion du monde poids lourds, repus de succès, d'argent et de réussite. Il est clairement le miroir de Mohammed Ali en tant que boxeur Noir et dont le style toute en agilité rappelle les glorieuses heures de Cassus Clay sur le ring. Décidé à devenir le nouveau messie de la boxe, il choisit un combattant des classes inférieures afin de lui donner la chance, celle sur un million, de concourir contre lui. Et ainsi le film d'opposer deux mondes, deux Amériques.


Commence pour Rocky l'entraînement de la dernière chance, celle de donner enfin une âme à sa carrière bancale. Et là mise en scène de coller aux corps, notamment celui de Balboa, de l'éprouver, le repousser dans ses limites, avant de le glorifier. Les séquences d'entraînement, future marque de la saga, sont devenues légendaires : des œufs ingurgités à 4h du matin, des bovins tatanés dans la chambre froide jusqu'à l'inoubliable séquence de course dans les rues de Philadelphie, dont les marches gravies ont fait entrer la ville dans la légende du cinéma. Filmée au steadicam pour l'une de ses premières utilisations, aux côtés de Marathon Man, et couplée à une musique instantanément culte, cette séquence a traversé les âges. En filmant littéralement les obstacles à gravir pour arriver au sommet, elle symbolise l'effort et la sueur à sacrifier pour réaliser ses rêves. Des rêves que représente Rocky, symbole de la classe populaire, permettant au plus grand nombre de s'identifier à son combat à venir, mais également contre lui-même. Figure de proue et homme au grand cœur, il porte avec lui les espoirs de cette Amérique prolétaire et délaissée.


Arrive enfin le grand combat, climax du film. Un affrontement où le réalisme est le maître mot. D'ailleurs, pour pallier au manque de figurants dû au petit budget de la production (une centaine dans les gradins), le monteur a eu recours à des extraits d'un véritable match pour donner la sensation que la salle est à guichets fermés. Les plans larges rappellent la diffusion télé tout en filmant au plus près du ring les empoignades et autres crochets du droit pour maximiser l'impact. Les corps et les visages souffrent, le sang coule, les yeux se ferment et ce ne sont alors plus que deux massent informes qui se rendent coup pour coup lors des derniers rounds. Lorsque la cloche résonne l'exploit a eu lieu, à l'image du plan d'ouverture du film sur une figure christique représentée en martyre. La ténacité, son abnégation à nul autre pareil, voilà ce qu'est désormais Stallone aux yeux des spectateurs à travers son alter-ego Rocky, un galérien si humain. Rocky perd un combat de titans mais gagne le cœur de millions d'américains.

PowerSlave7
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le 27 nov. 2023

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