Pour schématiser grossièrement, il y a deux clans dans les cinéphiles. D'un côté, les puristes de la mise en scène, ceux qui savent que le cinéma est un art visuel qui permet de repousser les frontières du storytelling, de montrer et ne pas seulement dire. De l'autre côté de la barrière, certaines personnes n'auront pas ce même besoin, ils sauront se contenter d'une simple "mise en images" d'une histoire, qu'elle soit basique, à divers degrés de lectures ou remplie de sous-intrigues.


J'imagine que cela vient de mon expérience encore limitée en matière de cinéma, ou bien ne suis-je pas quelqu'un d'exigeant à ce niveau, toujours est-il que, toujours selon ce schéma simplifié, je me placerais davantage dans la deuxième catégorie. Je saluerai toujours les originalités, les prises de risque, les expérimentations faites au cours des longs-métrages mais une histoire intéressante et racontée avec la dose d'investissement et d'implication qui va avec me touchera généralement plus, même si le produit filmique final est intrinsèquement moins bon qu'un autre qui aura mieux enrobé son récit.

Déclaration d'amour d'un homme pour son personnage



Si j'introduis ma critique de cette façon, c'est en réaction à mon visionnage des deux derniers volets de la saga Rocky. En mon fort intérieur, je sais que Creed est un meilleur film, mieux maîtrisé au niveau de la réalisation globale, un peu moins maladroit dans l'écriture et plus réaliste, ce qui a probablement joué au moment de nominer/récompenser son acteur vedette pour sa prestation. Pourtant rien à faire, j'ai préféré Rocky Balboa en dépit de ses défauts.


La raison est toute simple, elle pourrait sonner comme un cliché mais elle est juste : Stallone aime son personnage au plus profond de son cœur d'action star. Cet amour déborde de la pellicule et ne peut que nous toucher. Cette même sincérité et simplicité qui a élevé le premier Rocky au rang d'oeuvre culte se retrouve ici, si bien qu'on éprouve le même plaisir à retrouver le boxeur certes vieilli mais encore vert. Si, malgré l'âge, Rocky est resté le même, on sent qu'il a pris de la bouteille et que toute son expérience l'a endurci et fait réfléchir, ne le rendant que plus attachant et identifiable.

Un film dans un film



De plus, comme d'autres œuvres à l'écriture inspirée, on observe un parallèle entre la carrière de Rocky et le film en lui-même. Certes, rien de surprenant puisque Balboa est l'alter-égo de Sly depuis le début. Cela étant, la question que l'on pose à Rocky est la même que l'on adressait à son réalisateur : pourquoi un autre combat/film et pourquoi maintenant ? Beaucoup de sagas ont insisté jusqu'à faire le combat de trop ou tenté de relancer la machine mais après trop d'années d'absence et en ayant perdu la sève de ce qui faisait leur succès. Idem pour les sportifs, boxeurs ou non. Et Stallone, en dépit de plusieurs échecs au box-office, nous a incarné deux personnages mythiques, livré d'autres films forts sympathiques et n'avait donc plus rien à prouver.


Sauf que Rocky est lui parti au sommet et n'a donc pas réellement connu de "fin de carrière", tandis que la saga restée à un cinquième épisode que beaucoup ont tendance à mettre de côté, d'où un goût d'inachevé. Le temps pour Stallone de faire le vide et de se faire oublier quelque peu (l'acteur étant une cible facile pour la caricature, regardez nos Guignols) et pour Rocky de perdre sa femme, celle qui comptait plus à ses yeux qu'un titre mondial, et la machine était relancée. Ironiquement, il confia par la suite à son doubleur français Alain Dorval (qui comme d'habitude incarne aussi bien Stallone que ce dernier incarne Rocky) qu'il eut autant de difficultés à tourner ce film qu'à faire sortir le premier, ne rendant la comparaison que plus légitime.


Du coup, ce "Rocky VI" se justifie pleinement scénaristiquement parlant, entre la volonté de finir avec les honneurs, de refaire quelque peu sa vie après la mort d'un être cher et de rassurer sa progéniture qui voit son patronyme comme un handicap et non un avantage. Ironiquement, ce dernier point se retrouve dans Creed mais a également fait écho à la réalité en 2012 lors de la mort du fils de Stallone... qui avait joué le fils de Rocky dans le cinquième opus. La vie a un sens de l'humour fort morbide parfois n'est-ce pas ?

"Si vous n'aimez pas vos imperfections..."



S'il est parfois un peu trop larmoyant ou insistant sur certaines scènes, cela n'apparaît jamais comme du remplissage ou une volonté de nous tirer les larmes des yeux, grâce à la sincérité sans faille de Stallone. Lui-même semble avoir conscience de trop tirer sur la corde émotionnelle puisque ce bon vieux Paulie dénonce justement ce travers chez Rocky. Cette sincérité nous fait aussi pardonner une mise en images basique mais qui, comme le premier opus, fait écho à la simplicité du personnage et de l'histoire, exception faite du combat final à la fois percutant et réaliste, avec des personnalités directement issues du milieu de la boxe et une réalisation proche d'une diffusion télévisuelle d'un vrai combat.


S'il n'obtiendra jamais l'aura du premier Rocky, s'il ne divertit pas autant que le troisième ou le quatrième, ou s'il n'est pas aussi bien soigné que Creed, ce Rocky Balboa mérite toute notre attention et rend un bel hommage à toute la saga et son personnage. Parce que nous aussi on l'aime ton Rocky mon cher Stallone !

Masta21
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le 22 janv. 2016

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