Nouveau succès planétaire avec plus de 200 millions de dollars de recettes, le dernier Rocky confirme l'envol de la saga et permet de mettre rapidement une suite en chantier. Trois ans séparent à nouveau les deux opus, faisant basculer la saga dans une nouvelle décennie. A l'instar de Rocky, Sylvester Stallone est sur le toit du monde. Il a transformé le coup d'essai, désormais tête d'affiche d'autres projets comme sur le nouveau film de John Huston, A nous la victoire ou encore dans Les Faucons de la nuit la même année en 1981. Quelques mois après la sortie de ce troisième volet, il rendra instantanément culte un autre personnage légendaire du cinéma américain, Rambo, personnification de la défaite américaine au Viet-Nam. Cette année 1982 est la sienne. De même pourRocky,qui suite à sa victoire sur Apollo Creed et l’obtention du titre de champion du monde poids-lourds devient un nom qui dépasse la sphère de la boxe. Une fois encore, Stallone parvient à renouveler l'intérêt pour son personnage. Ce dernier n'a dorénavant plus les mêmes préoccupations, plus enclin à profiter de sa nouvelle notoriété qu'à chausser les gants.


Lors du générique, après la traditionnelle fin de combat du match précédent, Stallone raconte l'embourgeoisement de Rocky à travers un jeu de montage sensitif et illustratif, rythmé par le tube intergalactique des Survivor et leur Eye of the Tiger, véritable étendard de la saga. Enchaînant surimpressions et montage parallèle il oppose deux mondes. D'un côté les richesses qu'accumule Rocky grâce à son nouveau statut, et de l'autre son futur nouveau rival, Clubber Lang, affamé de titres, s'entraînant jours et nuits, miroir des origines populaires de Balboa. Un nouveau challenger de la rue est né. Cela nous renvoie à l’opposition du premier opus entre un Apollo Creed au sommet et un Rocky vivant dans le caniveau. Lorsqu'un split screen apparaît, Rocky à gauche dans le cadre passe progressivement à droite, contrairement à Clubber Lang qui fait le trajet inverse. Tout l'enjeu pour le boxeur de Philadelphie sera de retrouver sa position initiale à gauche, signe de réussite. Car le sens de lecture en Occident s'effectue de la gauche vers la droite. Le rapport de force s'est inversé. Observez bien la toute dernière image du film, l'ultime freeze frame avant le générique.

Clubber Lang, incarné par le musculeux Mister T, qui avant d'être acteur fut garde du corps et portier de boîte de nuit, défie Rocky lors de l'inauguration de sa statue au sommet des marches du Musée d'art de Philadelphie. L’ostentatoire face au dénuement, la rage contre l'absence d'envie.


Ankylosé dans ses habits de nouveau riche, Rocky continue à jouir de sa popularité. Il organise un gala à sa gloire, instantanément kitch et ringard, où il se pavane tout sourire, ainsi qu'un match d’exhibition face à un Hulk Hogan sous coke, plus un spectacle de foire qu'une réelle empoignade de sportifs de haut niveau. Prenant à la légère ce nouveau défi, sûr de sa force, il tombera de haut. La mort de son entraîneur Mickey, première mort choc de la saga (et pas la dernière), l'achèvera, le plongeant dans les abysses du doute. Contre toute attente, c'est son ancien rival, Apollo Creed, qui viendra à sa rescousse pour le sortir de sa léthargie et le remettre sur un ring de boxe, avec pour ligne de mire Clubber Lang.


Ne parvenant pas à redevenir l’athlète/l'homme qu'il est, c'est Adrian qui se charge de sonder son mari. Sur cette plage déserte, comme abstraction totale dédiée à l'âme de Rocky, le film nous livre sûrement la plus belle confrontation du couple. Débattant sur la mort, la réussite, l'espoir et l'absence de fighting spirit, les échanges sont à couteaux tirés entre deux acteurs au sommet de leur art. C'est finalement la peur qui a eu raison de Rocky, celle de tout perdre, celle de ne plus exister dans le regard des autres. Et Adrian, toujours aussi intelligente, de l'encourager à se battre pour lui même, à faire fi des à côtés superflus, à résoudre son conflit intérieur comme il l'a toujours fait, en montant sur un ring pour s'affronter lui-même.


Une fois de plus maîtrisé et spectaculaire, le dernier affrontement du film (trois au total, record de la saga) est un climax dans les règles de l'art : tension omniprésente, couverture multi-angles pour coller au plus près de la réalité et acteurs/sportifs investis sur l'estrade. Le dénouement tranche avec les précédents opus, quelques rounds suffisant à départager les combattants. Un renouvellement pertinent, à l'image du film qui, avec ses 95 minutes au compteur ne laisse pas le temps de respirer, file droit au but, tel un uppercut bien cinglant dans le menton. Stallone rentre de plein pied dans cette nouvelle décennie. Il offre un film plus direct, appuyé par une mise en scène très eighties visant l'efficacité avant tout, mais sans jamais sacrifier le cœur de la saga, à savoir ses personnages, faillibles, imparfaits, et donc terriblement humains.

PowerSlave7
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le 30 nov. 2023

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