Roger Dodger
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Roger Dodger

Film de Dylan Kidd (2002)

Ce qui est agaçant dans la plupart des films sur la séduction, c'est que ceux-ci sont souvent limités dans leur propos par le schéma hollywoodien qui les produit. Moralistes et consensuels, si leur contenu vaut parfois le coup, il est systématiquement gâché par une fin à l'eau de rose censée révéler au héros ou du moins au spectateur la vraie nature des rapports humains, de l'amour et des jolies fleurs.

C'est en se démarquant de ce schéma que Roger Dodger arrive à tirer son épingle du jeu. Film de petit budget et à la production discrète, il peut ainsi s'éloigner de cette logique de happy end hollywoodienne, tout simplement car il n'offre pas de fin du tout, il ne raconte pas d'histoire, il se contente de montrer et de laisser le spectateur interpréter. Plus qu'un film sur la séduction, un film sur les séducteurs et dans le plus pur style documentaire. D'une part par sa réalisation, très minimaliste (caméra épaule, plans larges lors des scènes d'exposition ou de transition, plans rapprochés lors des conversations pour exacerber la tension sexuelle, et point barre), mais aussi et surtout dans son jeu et dans son déroulement.

Bien qu'Eisenberg soit correct mais déjà ennuyant dans son sempiternel rôle de gamin coincé et hésitant, Scott est bluffant en "acteur" blasé et tout en retenue. Manipulateur et insaisissable, l'oncle Roger n'en dévoile jamais trop, sachant garder une part de mystère, menant les femmes, son neveu et le spectateur à la baguette... Pour mieux mettre en exergue les moments où il perd pied, comme dans cette scène dès le début du film où il ne peut cacher son agacement face au comique de service qui essaie vulgairement du lui voler la vedette. Le personnage n'est ainsi pas dépeint comme un surhomme ou un mentor, ce n'est pas non plus le cliché du dragueur insensible, c'est quelqu'un d'humain placé dans un contexte commun, et que l'on suit durant une soirée commune.

C'est en ce sens que le film affiche son originalité. Il se détache du schéma narratif classique qu'adoptent toujours les films en général et de séduction en particulier, celui d'articuler l'histoire autour d'un objectif, de mettre des rebondissements artificiels au milieu jusqu'à permettre au héros sinon d'atteindre cet objectif, au moins de sortir grandi par son échec. Ici, la situation finale est identique à la situation initiale. Roger subit bien un échec, qui lui fait mal, mais n'en modifie pas son comportement pour autant. Il assume ses choix de vie et continue sur sa voie, avec ses avantages et ses inconvénients.

Au final le film veut surtout désacraliser (et dédiaboliser) le domaine de la séduction, lui redonner son côté humain, imprévu et naturel quand la plupart des gens s'imaginent devoir obéir à des codes rigides et limitants. Conclusion intimée par cette non-fin : à quoi tu t'attendais ? Il n'y a rien de plus que ça.
Arbuste
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le 25 juin 2013

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