Sous la disgrâce, une grâce infinie

Une particularité physique due à un dérèglement hormonal traitée ici à la manière d’une fable humaniste sensible et émouvante. Le film est inspiré par l’histoire d’une femme qui a vécu dans les Vosges de 1865 à 1939, Clémentine Delait, que l’on appelait alors « la femme à barbe ».

Le personnage principal du film, Rosalie, est atteint d’hypertrichose depuis l’enfance. Tout au long du film nous suivons son combat pour être acceptée et aimée telle qu’elle est. Son parcours de vie est semé d’humiliations, de souffrances, de blessures, d’espoirs aussi, et sous-tendu par le formidable courage dont elle fait preuve dans chaque situation.

Rosalie est mariée par son père à un homme dont la colonne vertébrale est gravement endommagée, l’homme est en souffrance, en incapacité de travailler, et couvert de dettes. Il n’a pas connaissance de la particularité de la jeune femme au moment du mariage.

L’intérêt du film, au-delà de la lente intégration de la jeune femme au sein des habitants plus ou moins accueillants du village, réside dans l’observation de l’évolution intime de chacun des deux personnages principaux, depuis la découverte de l’autre jusqu’à l’acceptation, en passant par la colère, le rejet, le dégoût, la honte…

Rien ici ne semble artificiel ni traité superficiellement. Chacun pourra se reconnaître dans les réactions parfois violentes du mari qui pense avoir été trompé sur celle qu’il a épousée, et dans son long cheminement vers l’ouverture à celle qui, malgré sa disgrâce, a tout de la femme idéale, tant elle est généreuse, intelligente, talentueuse, douce et pleine d’amour. Elle est la grâce incarnée.

Dès les premières minutes du film on est en empathie avec les deux personnages, y compris dans leurs confrontations, car il semble évident que chacun des fardeaux porté par l’un et l’autre, serait adouci par l’union de leurs deux destins dans un partage de vie empreint de tendresse et de douceur.

Une fable sans concession sur le chemin ardu de l’acceptation de la différence et sur la qualité de l’amour, avec cette question cruciale : sur quoi se construit-il véritablement ?

Les acteurs sont bouleversants de vérité, Nadia Tereszkiewicz dont le regard nous enveloppe d’un océan de douceur, et Benoît Magimel grandiose dans son désarroi, et que l’on devine tendre sous sa rudesse. Mais aussi les seconds rôles, tous sans exception. Barcelin, un notable et riche propriétaire du coin, dur et froid, magnifiquement incarné par Benjamin Biolay, est criant de vérité. Aucune simplification, cet homme insensible et aux airs supérieurs, a lui-aussi ses failles et ses moments d’humanité, aussi surprenants qu’éphémères.

Chapeau bas à Stéphanie Di Giusto et à toute l’équipe qui a travaillé sur ce film de toute beauté et qui, malgré le drame ambiant, parvient à nous réconcilier avec le monde en touchant notre humanité la plus profonde.

cinecole
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le 13 avr. 2024

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