Les femmes à barbe ont longtemps fait les beaux jours des foires, ou autres cirques, des numéros de voyeurisme, pour lesquels le public pouvait payer très cher, fascination, moqueries, c’est un spectacle qui attire les foules, mais comme son nom l’indique, oui, c’est un spectacle, bien souvent assez faux, alors qu’en est-il lorsque ce phénomène touche véritablement une femme, doit-elle se cacher, l’accepter, l’assumer. Nous sommes en France, à la fin du 19ème siècle, peu de temps après la guerre, dans un petit village plutôt rural où la population n’a que peu de perspective, une vie plutôt pauvre, sans grand attrait, une vie de labeur, sous le joug d’un patron pour le moins autoritaire et d’une église qui possède encore un grand pouvoir sur ses ouailles, dictant une bonne conduite particulièrement drastique. Alors, dans ce milieu extrêmement strict, une jeune femme doit entrer dans le rang, ne pas sortir du lot, servir plus de potiche qu’autre chose, respecter les codes de son rang, de son sexe, se faire discrète, tout en étant un soutien infaillible pour son mari, mais lorsqu’elle n’est rien de tout ça, il devient très difficile de simplement survivre dans ces conditions. Il est évident qu’une femme qui assume ses particularités, mais plus encore, une femme lettrée, intelligente, qui prend son destin à bras le corps, faisant fi du regard des autres, qui fait son possible pour s’élever, mais plus encore, pour que tous ceux qui l’entourent, puissent bénéficier d’une meilleure vie, d’un semblant d’épanouissement, ça ne plaît pas, ça dérange, une femme qui fait du bruit, ce n’est pas possible, ce n’est pas dans l’ordre des choses, alors on fait tout pour la faire taire. La réalisation de Stéphanie Di Giusto est d’une beauté à couper le souffle, loin des monstres de foire, elle a réussi à faire de cette particularité, une poésie, une élégance extraordinaire, insufflant un éclat hors du commun à son travail, à son univers atypique, mais tellement riche de messages. Visuellement, en plus d’une reconstitution de l’époque, particulièrement bien travaillée, l’accent est mis sur la nature, sur son côté sauvage, sur ces forêts où les éléments sont d’une beauté brute, seul endroit où notre héroïne semble être en accord, parce qu’ici, il n’y a pas de jugement, parce qu’ici, elle peut vivre telle qu’elle est, sans faux-semblants, sans se cacher. En ce qui concerne le scénario, il est là aussi, formidablement écrit, d’une justesse extraordinaire, bien que tout en simplicité, son importance réside dans son récit, dans tous les messages qui sont véhiculés, dans la force des émotions qui sont mises en avant et qui viennent nous toucher en plein cœur. Parce que c’est une histoire d’acceptation, de sa propre identité, de son propre corps, mais aussi celle des autres, un récit sur la différence, sur l’intolérance qu’elle peut entraîner, sur le jugement des autres, qui peuvent entraîner tant de souffrances, parce que malgré une force de caractère extraordinaire, on ne peut parfois pas faire face à tant de haine. Quant au casting, il est absolument magistral, l’interprétation de Nadia Tereszkiewicz est tout simplement époustouflante, Benoît Magimel est toujours aussi extraordinaire de justesse et Benjamin Biolay est terrible de froideur.
En bref : Un film qui fait la part belle à la femme, avec toutes ses particularités, forte, volontaire, intelligente, elle l’est pourtant trop pour l’époque, trop à part, pas assez dans le rang, c’est un récit atypique, qui résonne pourtant de tant de vérités, une histoire sur la différence, la tolérance, l’acceptation, s’assumer envers et contre tous, peu importe le regard des autres, mais ce n’est pas toujours suffisant et cette apparence de force vient se fendiller sous la persécution de ce monde extérieur si malveillant !
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