Royal Affair est un film de Nikolaj Arcel, sorti le 21 Novembre 2012, qui relate une fresque historique du Danemark. C'est en 1771, lors de la rencontre entre le Medecin du Roi Struensse et la Reine Caroline Mathilde, que le pays va voir naître de leur passion interdite les grandes idées des Lumières qui vont bouleverser le territoire.

Royal Affair est un mélange, et c'est ce qui le rend le plus séduisant. Un mélange des catégories filmiques définies et une caméra au plus proche des atmosphères ressenties. Si nous assistons inévitablement à un film d'époque romancé, le réalisateur danois a su trouver les ficelles pour dépasser les films du genre. L'oeuvre est tantôt historique, glissent entre sujet du royaume et domaine des lettres en y apportant poésie. Puis il s'engage parfois sur la pente du thriller haletant, notamment vers la dernière partie du film où on assiste à une chute que l'on croyait impossible.
Si le cadrage et la mise en scène restent classique, la lumières effleurent, et subliment les corps : le coup de la Reine, le visage tiré et charismatique de Struensse. Elles sont toujours délicates, feutrées qui donnent un caractère intimiste aux situations. Les couleurs chaudes et froides s'alternent en harmonie pour affirmer la fureur du roi ou sublimer la chaleur des sentiments entre Caroline Mathilde et Struensse. Mais elles s'inter-changent notamment pour montrer l'interdit de leur premier baiser, et aborder la colère des paysans qui remplissent l'image de la véhémence du feu.

Le mélange évoqué précédemment est aussi présent par l'oscillation des sentiments du spectateur envers les personnages. Nous partons tout d'abord avec le personnage de la future reine (qui raconte l'histoire), et de sa rencontre avec le Roi qui va vite se tourner en désillusions. Personnage à la fois enfantin et virulent il n'aura de cesse de la rabaisser de peur qu'elle prenne sa place aux grasses de la famille et du peuple. Ce personnage est donc tout d'abord détestable, même si l'on décèle une folie certaine qui se verra presque attendrissante au fil du long métrage. En parallèle nous nous attachons à cette femme laissée et désabusée, magnifiquement interprétée où la caméra se reportera sur elle, toujours, avec énormément de plan rapproché et des lumières douces et naturels. Une sorte de suivie, d'aide, de 'ne t'en fait pas' de la caméra semble traverser l'écran. Puis c'est l'arrivée du charismatique et surement le plus complexe, personnage de Struensse. Pris en affection par le Roi, il devient son médecin attitré et Christian VII ne cessera de lui vouer un culte, une confiance et un respect sans faille. Et c'est ici où, petit à petit on tourne dans ce triangle : le roi le trompé, Struensse le 'génie', et la Reine amoureuse. Et ces rôles vont doucement tendre à faire renverser les opinions de caractère. Le Roi soulève l’empathie de sa confiance secrètement trahie et le gentil Struensse devient presque despotique tant le pouvoir grandissant semble troublement l'animer. La Reine devient comme la complice et l'accaparée, prise dans le tourbillon de son amant.
Le film est remarquable dans le façonnement et la complexité de ces personnages, comme il invoque toujours la mixité et la dualité de ses fondements.

La qualité historique du film est certaine, et nous nous embarquons dans une époque oubliée : celle du Danemark en avance sur son temps (en effet les idées des Lumières qui bouleversent les lois, 20 ans avant la Révolution Française). Toutefois, nous pouvons reproché au film de ne faire qu'un bref constat et de se focaliser que sur le rapport entre les protagonistes : nous ne voyons pas les impacts des changements idéologiques sur le peuple. Ce que les lois chamboulées par Struensse impliquent sur les différentes couches de la population. Mais, pour ma part, je prend ce choix comme un parti prit du réalisateur. Je ne pense pas que les personnages auraient été traités avec autant de profondeur si le sujet aurait mené d'une manière plus large.

Royal Affair est donc un film complet et réussi, qui a su donné avec force un récit aux multiples facettes grâce à des personnages travaillés et une ambiance visuelle aux teintes ambivalentes.
JohannaS1
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le 11 janv. 2013

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JohannaS1

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