Fugue en sol majeur

Autant vous prévenir tout de suite, Ruined Heart tient davantage de l'expérimental pur et dur que du cinéma pop qu'on nous vend fort bien dans la bande-annonce. Punk philippin touche-à-tout, Khavn déploie un récit qui n'est rien d'autre que ce que son titre annonce. Prétexte à des scènes parfois d'une grande beauté plastique, le scénario ne se laisse appréhender que par le rythme de l'ensemble, aucun dialogue ne venant d'ailleurs "polluer" la démarche. Un article de journal par ci, une déclamation surréaliste par là, complétez avec la présentation des principaux personnages face caméra en début de film, et c'est au spectateur de se démerder et de recoller
ou pas les pièces éparpillées. Déroutant, mais au final pas si important.

Rompant totalement la narration de son film, qui reste linéaire, mais n'obéit pas aux règles tacites du montage et du script, Khavn déploie une énergie qui a plus à voir avec la musique qu'avec le cinéma.

Et ça tombe bien car la bande originale est exceptionnelle, entre la chanson-titre euphorisante, les nombreuses variations autour de celle-ci (en anglais, en français, tout ce que vous voulez), les instrumentaux parfois délirants. Tout colle parfaitement aux images, et accompagne sans relâche la vision d'un film qui sans ça serait sans doute un peu aride.

Regardez Ruined Heart comme un film traditionnel, et c'est une belle déconvenue qui vous attend ; voyez-le comme une odyssée musicale déjantée au cœur d'une Manille folle à lier, et vous n'avez plus qu'à vous laisser emporter.