Rush
7.2
Rush

Film de Ron Howard (2013)

On peut dire ce qu’on veut sur Ron Howard, mais il sait faire des films accrocheurs. Y compris inspirés de faits réels, il a l’habitude. Un film sur la Formule 1, gros pari, surtout que ça signifie intérêt limité aux USA… mais il y a de nombreux fans frustrés d’attendre un film de fiction sur le sujet depuis plus de 30 ans. Est-ce que ça a joué sur mon avis sur le film ? Je ne crois pas. Car je ne vais pas réserver de suspense : Ce film a des petits défauts, mais j’ai pris mon pied en le regardant, surtout l'ayant découvert au cinéma.


Ma première surprise : Je pensais qu’on allait se focaliser uniquement sur la saison 1976. Que nenni ! Elle occupe bien la moitié du film, mais une grande partie s’attarde sur la période 1970-1975 des deux hommes, de leurs passes d’armes en Formule 3 à leurs engueulades, en passant par leurs amours. Ça permet d’épaissir les personnages et de mieux cerner leur caractère, car tous les oppose : Leur parcours, leur éducation, leur manière d’aborder leur carrière et leur vie…


J’ai très vite oublié avoir affaire à Chris Hemsworth et Daniel Brühl, je voyais James Hunt et Niki Lauda, et pas seulement d'un point de vue physique, et c’est déjà un très bon signe. On ne s’attarde pas sur beaucoup d’autres pilotes à part Regazzoni. Beaucoup de noms sont cités mais souvent durant les courses. La plupart des pilotes sans leur casque, il faut vraiment deviner qu’il s’agit de tel ou tel gars. Certains sont plus ou moins reconnaissables, et un fan pourra aussi être aidé par les combinaisons. Une scène de meeting des pilotes sera la principale occasion pour essayer de les cerner. J’ai repéré sans aucun doute Fittipaldi et Depailler mais les autres, je n’ai aucune certitude.


Le zoom sur le monde de la Formule 1 des années 70 est un réel plaisir. On voit les têtes dirigeantes d’Hesketch, Ferrari, BRM et McLaren, et leur relation avec leurs pilotes. Outre les Ferrari et McLaren, voir la Ligier de l’époque ou la Tyrrell à six roues, et entendre régulièrement le bruit assourdissant de leurs moteurs, quel panard ! C’est aussi une belle plongée dans les années 70 tout court, surtout au début du film. Il y a une bande son sympa avec beaucoup de morceaux rock de l’époque. En passant, il y a aussi plus de cul que je ne l’aurais cru. Je vais pas m'attarder sur le sujet mais c'est à noter.


Dans l’ensemble, je pense que les non-initiés à la Formule 1 pourront suivre ce film sans trop de souci, et même l’apprécier. Le fan verra et saura tout de suite plus de choses, mais ça reste clair pour Monsieur ou Madame tout le monde. Aucun des deux protagonistes n’est idéalisé, ils sont même assez antipathiques au début du film. Lauda est dépeint froid et calculateur, Hunt irresponsable et soupe au lait. Et ils ne sont pas tendres avec leur entourage.


Mais lorsqu’on voit les souffrances de Niki Lauda sur son lit d’hôpital (passage assez rude en passant) et les remords de Hunt d’avoir insisté pour courir en Allemagne malgré les conditions effroyables, la côte de sympathie pour les deux remonte, d’autant qu’on évite de basculer dans le larmoyant. Je précise que les moments romancés ne m’ont jamais fait bondir. Bien sûr je sais que plusieurs scènes sont totalement imaginaires, notamment parce que l'entente entre les deux hommes n'a jamais été si mauvaise, mais jamais je ne me suis dit que c’était trop invraisemblable.


Comment la saison 1976 est-elle résumée et comment les scènes de courses sont-elles dépeintes ? Et bien, il est certain que j’aurais aimé en voir plus pour quelques épreuves. On voit parfois le résumé de certaines en 3 secondes, juste le temps de donner le résultat de l’un et de l’autre. Même si je note certains faits éludés comme par exemple la polémique de Silverstone, c’est tout à fait compréhensible de ne pas montrer chaque course car je n’ose pas imaginer la difficulté s’il avait fallu toutes les reconstituer, même très partiellement.


Mais deux courses, en l’occurrence Long Beach et Mosport, ne sont pas du tout évoquées. S’il y avait eu un point sur toutes les courses, donc choix de l'exhaustivité, ok. Si on avait eu plutôt, disons, un point sur la moitié des courses, donc le choix de s'attarder sur les temps forts, ok. Mais les montrer quasiment toutes, 14 sur les 16, c’est une sélectivité surprenante. Quant à la réalisation des courses, elle est presque parfaite malgré quelques problèmes dont je reparlerai. Il m’est arrivé une ou deux fois de retenir mon souffle. Montage nerveux sans être abrutissant, bruits de moteurs sexy, musique prenante. D’ailleurs du côté musique, Hans Zimmer a fait un choix, je dirais… conservateur. C’est réussi, mais c’est sans prise de risque.


Allez, maintenant parlons des défauts. Je maintiens ce que j’ai dit sur les qualités des courses, mais elles ont aussi leurs petites faiblesses, parfois trop rapides ou trop de vues intérieures. Je suis obligé de le noter : Lorsque les effets spéciaux par ordinateur sont utilisés, c’est flagrant. La plupart du temps ils s’en servent pour les accidents, ou bien lorsqu’ils n’ont pas fait le déplacement sur le circuit. Souvent, même en le sachant, le rendu est honorable. Mais parfois, c’est très laid. Je pense notamment à un plan à Monaco. A un moment Hunt visualise le circuit, on devine les véritables images de caméra embarquées de l’époque (où c’était pourtant un luxe rare), pas de souci. Par contre lors du bref moment où la course se déroule véritablement, on voit une F1 de dos sortir du tunnel, on se croirait à peine sur Playstation 2.


Et pour le pinaillage : Lors de l’accident fatal de Watkins Glen 1973, pourquoi le nom de François Cevert n’est-il pas cité ? A un moment il y a une erreur flagrante sur les scores au championnat, or, c'est tellement simple d'avoir accès aux scores que je suis surpris d'une telle absence de vérification. Au Nürburgring 1976, Lauda perd du temps sur Hunt dans un changement de pneus, et en quelques secondes ce dernier à le temps d’aller jusqu’au virage du Carousel. Rapide ! Il parait que Russel Crowe joue Richard Burton. Cool. Sauf qu’on ne le voit pas de tout le film. On le devine vaguement au second plan dans une scène en fin de film mais le point est fait sur le personnage à l’avant. Peut-être dans les scènes coupées. Et puis Ron Howard a souvent fait ça dans ses films, le cliché du personnage qui a des flashs de sa vie personnelle durant le moment intense, ce qui lui redonne courage ou raison s’il est dans un état second. Je trouve toujours ça un peu trop grandiloquent.


Mais franchement, tout ça est loin d’être si gênant. Et la fin est appréciable. On aurait très bien pu finir comme dans certains biopics : Le personnage a gagné il est content, et on passe un bandeau pour dire ce qu’il s’est passé après pour les protagonistes. Mais on a le droit a plus, des scènes qui nous rappellent une ultime fois que ce sont deux visions de la vie qui s’opposent. Un homme pragmatique et sérieux, un autre fougueux et insouciant... du moins, en surface.


Ron Howard ne m’a pas déçu. Du côté des défauts c’est à peu près ce que j’attendais, mais du côté des qualités, c’est au-delà de mes attentes. C’est un retour en grandes pompes, même si les spectateurs ne se sont pas autant pressés dans les salles que je l'aurais voulu. Et puis franchement, s’il y a UNE chose incontestable à retenir c’est bien celle-ci : Entendre plusieurs fois prononcer le nom « Jacques Laffite » dans un film américain, ça n’a pas de prix.

Régis_Moh
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le 12 nov. 2015

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The Reg

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