"J'ai créé un monstre et je dois vivre avec"

https://www.youtube.com/watch?v=zXQvPwYYVBI
Je n'aime pas les biopics. Ils sont tous faits à l'identique, avec une structure en flashback et une plongée dans l'enfance du personnage pour montrer qu'il était destiné à devenir un grand homme (topos par excellence des biopics, qui consiste à relire et ré-interpréter l'enfance d'un personnage à la lumière de ce qu'il est devenu par la suite, et qui est une malhonnêteté psychologique et intellectuelle).
Bonello, et c'est un des points positifs du film, parvient à peu près à éviter les pièges du biopic. Déjà, en évitant la linéarité de l'histoire. Son film est elliptique, il ne raconte pas la vie de Saint-Laurent mais tente plutôt de dresser le portrait d'un homme qui ne se sent pas à l'aise dans le monde actuel.
Hélas, le revers de la médaille, c'est qu'en évitant la narration classique, Bonello fait un film sans narration. Saint-Laurent stagne. Les scènes s'enchaîne avec, bien souvent, une certaine complaisance dans le glauque et le malsain. De plus, Bonello aime bien se regarder filmer, et ça transparaît dans son film. C'est tout juste s'il ne va pas jusqu'à pousser la comparaison entre lui et le couturier.


Dans les lieux communs habituels, on a celui qui consiste à dire que le génie n'est pas un être humain comme les autres. Or, jamais le réalisateur ne parvient clairement à nous montrer le génie de Saint-Laurent en action. Du coup, il a beau vouloir nous faire le coup de l'Albatros baudelairien, ça ne marche pas vraiment.


Finalement, du film, je sauverai deux ou trois choses que j'ai vraiment appréciées.
D'abord le final, avec la Callas chantant du Puccini. Cette musique-là peut sublimer absolument tout et n'importe quoi. Tu pourrais mettre un extrait de La Tosca sur du foot, et ça rendrait presque beaux les gestes idiots de ce machin que certains appellent du sport.
Ensuite, l'interprétation de Gaspard Uliel. Il a quelque chose d'étrange et de fascinant dans son regard et son sourire. Quelque chose qui en fait un être à part. Finalement, c'est presque dommage que le film ne se résume pas à cela : quelques plans sur Uliel jouant Saint-Laurent, sans dialogues, sans rien d'autre.
Enfin, les attaques contre Pierre Bergé, accusé de sacrifier l'idéal artistique du couturier sur l'autel du commerce et de faire du nom de son compagnon une marque déposée.
Le reste est un peu de la perte de temps (et on en perd pas mal dans les 140 minutes de ce film). C'est dommage.

SanFelice
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le 2 juin 2017

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