Intriguant, voilà un mot adapté pour décrire ce projet signé Bertrand Bonello. Le premier portrait taillé par Jalil Lespert il y a quelques mois seulement était très décevant. Dans la foulée, l'alternative proposée par le réalisateur de "L'apollonide..." a vendue plein de promesses. Elles sont effectivement plutôt tenues.

Comparer ces deux biopics est probablement vain. On ne peut néanmoins éviter de relever une différence notoire dans la qualité du rendu. Beaucoup plus que la version "comédie française" soutenue par Pierre Bergé lui même, ce "Saint Laurent" est touchant, juste et harmonieux. Entre les moments de vie clés qui se recoupent entre les deux films, Bonello apporte une touche d’esthétisme magnifique qui justifie l'adaptation au cinéma.

Sur un ton violet et violemment coloré, comme le suggérait très bien l'affiche, la photographie transcende. L'utilisation des costumes est excellente. Dans le propos comme à l'image, le film est une ode magnifique au monde de la mode. Une des premières scènes prend le temps de poser un regard bien veillant sur les petites mains ouvrières de la haute couture. Cette version du récit fait d'Yves Saint Laurent le patron de la femme moderne. « L'homme qui aimait les femmes » dit beaucoup ce film. On peut juger différemment l'influence du couturier dans le quotidien des femmes d'aujourd'hui, hier et demain, mais la vision en question est très bien défendue. Et puis c'est tout simplement extrêmement beau visuellement. Les scènes de défilés sont parfaitement retranscrites pour le grand écran. Particulièrement celle qui voit aussi défiler les saisons. Split-screen, typographie, musiques et tenues sont très bien assortis.

A noter que le casting est impeccable. Dans la performance et dans l'allure ils sont tous crédibles. Gaspard Ulliel est excellent. Dommage que les seconds rôles soient aussi négligés. Loulou est trop discrète et Betty fait surtout figuration. Léa Seydoux et Aymeline Valade (grande découverte) sont superbes. Jérémie Renier est bon, son rôle est pas avantagé. Pierre Bergé est habillé pour l'hiver.

Bertrand Bonello a choisit de focaliser le récit sur une période de vie de débauche chez Saint Laurent. La mise en scène psychédélique le fait très bien ressentir. Des moments parfois glaçants, des scènes qui ont du chien je dirait même. Yves Saint Laurent subit la pression de la profession, il est la victime de son immense succès. On le voit de plus en plus débordé, esseulé et paumé.

Le temps n'est pas très bien maîtrisé. Malheureusement le film ne se focalise pas véritablement sur 9 ans de la vie d'Yves Saint Laurent. Le film finit par montrer le couturier en retraite, en vain. La dernière demi-heure est lente et un peu ennuyeuse. A l'exception de la dernière scène qui met habilement en exergue le côté éternel d'Yves Saint Laurent.
adamkesher01
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le 28 sept. 2014

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Adam Kesher

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