Salem
5.4
Salem

Film de Jean-Bernard Marlin (2023)

Le film était pas mal : il a d’excellents éléments, notamment une très bonne première moitié, mais je trouve que la deuxième moitié est pas très cohérente ni réaliste. Djibril prend des décisions qui ne lui ressemblent pas, les meurtres sont beaucoup trop nombreux, et le fait que Chat Noir tue de sang froid une petite fille et qu’il dise s’en foutre après m’a paru vraiment trop gros. Dans ce sens, ça me rappelle un peu Dheepan de Jacques Audiard qui part très bien avant de partir en Narcose complètement fantasmé dans la deuxième moitié. Surtout que toutes ces intrigues de film d’action nuisent au final à ce qui aurait pu être un très beau film sur une magnifique relation père/fils. Je salue d’ailleurs Wallenn El Gharbahoui pour sa performance magistrale dans le rôle de Ali, qui a su interprêter aussi bien la fille déçue par son père absent qui revient comme une fleur que la fille attachée à ce père qui apparaît enfin dans sa vie. La performance est au niveau de Kenza Fortas dans Shérazade, mais le personnage et la relation avec le père aurait gagné à être plus développé, si JB Marlin bandait un peu moins sur les meurtres. Cette trajectoire aurait été plus cohérente pour moi aussi avec les ambitions de prophète de Djibril, avec lesquelles le retour à la case départ en sortant de prison ne concordent pas. Et la deuxième moitié avait l’air trop courte aussi, tout s’enchaînait trop vite, la relation père fille allait trop vite tandis que les meurtres inutiles s’aditionnaient.


J’ai trouvé tout le délire avec les grillons extrêmement bien géré, alors que le sujet des hallucinations, des obsessions et des maladies mentales est dur à aborder au cinéma selon moi. La seule manifestation entomique qui m’a un peu perdu c’est l’épisode biblique des nuées d’insectes à la fin, justifié par un JT en fond à la Marvel qui invoque le réchauffement climatique. C’est le moment où on se dit qu’il est forcément vraiment prophète, à moins que tout ça soit dans son imagination mais bon ça ferait un peu beaucoup.


La photographie est évidemment magnifique, et la réalisation est plus osée que dans Shérazade : beaucoup de zooms, le montage alterne beaucoup plus entre différentes époques ou scènes, avec beaucoup d’ellipses, mais sans pour autant faire clip : c’est très réussi. Les dialogues sont aussi assez bons, j’ai beaucoup ri quand Ali lui dit « Je vais pas te mentir, il est pété ton scooter », après avoir inspecté le Vespa rouge avec Djibril compte acheter une relation père fille. J'aime beaucoup la performance Dalil Abdourahim, Djibril jeune, dont on ressent très bien la peine qu'il a pour son pote, le mal être d'être forcé par Chat Noir à être dans ces histoires, la peur qui l'empêche de dénoncer, l'amour pour son petit frère et celui pour sa copine, ainsi que pour sa future fille.


Quelques similarités avec Shérazade se font aussi remarquer : les scènes à deux sur un scooter (d’abord Djibril et Camilla, puis Djibril et Ali douze ans plus tard) et la scène à l’hopital où Djibril jeune demande aux infirmières d’expliciter ce qui arrive à sa chérie qui souffre. Le jeu d’acteur (ou peut être la direction?) de l’excellent Dalil Abdourahim qui interprête Djibril jeune me rappelle beaucoup Dylan Robert par sa nonchalance et son détachement.


En bref, un film qui aurait sûrement pu être excellent s’il avait plus la fibre intimiste / réaliste de Shérazade, et qu’il développait plus les relations entre les personnages. Cela ne l’aurait je pense pas empêcher de montrer la violence et la loi du silence, qu’on comprend très bien avec le meurtre originel du film.

goatboy
7
Écrit par

Créée

le 17 mai 2024

Critique lue 578 fois

4 j'aime

3 commentaires

goatboy

Écrit par

Critique lue 578 fois

4
3

D'autres avis sur Salem

Salem
goatboy
7

Dommage

Le film était pas mal : il a d’excellents éléments, notamment une très bonne première moitié, mais je trouve que la deuxième moitié est pas très cohérente ni réaliste. Djibril prend des décisions qui...

le 17 mai 2024

4 j'aime

3

Salem
S_Gauthier
7

La France n'en a rien à branler de la magie.

Comme dans le dernier film de Marlin, Shéhérazade, il est question dans ce Salem des jeunesses populaires et de la criminalité dans l'univers des cités marseillaises mais au contraire de celui-ci le...

le 3 juin 2024

3 j'aime

Salem
Cinephile-doux
5

Grillons, sauterelles et cigales

Après le bel accueil réservé à Shéhérazade, Jean-Bernard Marlin revient avec un projet bien plus ambitieux, beaucoup trop sans doute, avec son mélange des genres, dont aucun ne parvient véritablement...

le 28 mai 2023

3 j'aime

Du même critique

Salem
goatboy
7

Dommage

Le film était pas mal : il a d’excellents éléments, notamment une très bonne première moitié, mais je trouve que la deuxième moitié est pas très cohérente ni réaliste. Djibril prend des décisions qui...

le 17 mai 2024

4 j'aime

3

Le mal n'existe pas
goatboy
8

Le bien existe

L’ambiance du film est captivante, on rentre entièrement dans l’athmosphère de ce village de montagne. On suit principalement Takumi, l’homme à tout faire du village, et Hana, sa fille. Les deux...

le 25 avr. 2024

1 j'aime

L'air de la mer rend libre
goatboy
6

Kenza Fortas la goat carry comme il faut

Le film aurait pu très bien démarrer après le marriage, ou disons à partir du moment où ils font la fête et prennent la photo. Je n’étais pas fan de toute l’introduction qui était là, selon moi,...

le 16 avr. 2024