Saltburn
6.2
Saltburn

Film de Emerald Fennell (2023)

Voir le film

Les premières réactions devant un tel film, pour un être humain, pas une goule issue d'un serveur boîte à câlin Discord, ne peuvent être qu'indigence et malaise gastrique.

Car on est bien là à l'évidence qui nous sotte aux yeux, à une preuve concrète et fastidieuse que la nouvelle politique hollywoodienne de diversité, d'inclusion et d'équité (DIE, symboliquement) ne sert qu'à faire de la merde sous un bail libéral qui cache sa propre misère. Il s’agit d'un nouveau brûlot misandrique écrit et réalisé par l’Anglaise de service Emerald Fennell (connue pour son invention du rape and revenge dans Promising Young Woman en 2021 et Killing Eve pour la télé), dont la seule contribution culturelle consiste à profiter du quota et à en abuser. Elle devrait aller postuler pour devenir présidente d’une université de l’Ivy League américaine au lieu de venir phagocyter peu à peu l'Art avec son carriérisme.

Dans Saltburn, titre issu du domaine où le rejeton imprudent Felix amène son camarade de classe arriviste d'Oxford, Oliver Quick, Fennell se moque d'une aristocratie britannique outrancière. C’est sa manière progressiste-féministe de promouvoir la révolution sociale et la licence sexuelle genrée. Comme tout cinéaste médiocre qui affiche la piétrerie de ses référents, elle fait recours au portrait de Kubrick de la noblesse décadente dans Barry Lyndon, transformant son utilisation de la lumière naturelle en un noir assombrisant, copiant même son énorme labyrinthe topiaire où la police se perd et ne découvre jamais les intentions aberrantes de Quick de détruire la famille des excentriques hautains et tête à claques.

Keoghan jouait déjà l'attardé dans le très moyen Banshees d'Inisherin en 2022, cette fois-ci, il recidive en ajoutant une couche en sociopathe. Son personnage cabotine dans le dispositif faussement transgressif que Fennell met en place par opposition, mais jamais en ressonance comme Brecht. Fennell préfère simplement montrer une anomalie introvertie, taquinant d'abord l'attirance sexuelle qu'éprouve Quick pour Felix, puis ses sinistres desseins sur toute la maisonnée caricaturale. Quick cache ses origines bourgeoises, se faisant passer pour un fils de trafiquants qui parvient miraculeusement à Oxford, haut lieu de filiation où les garçons flirtent avec les garçons, insensibles à la pansexualité. Fennell excuse la déviance comme une inadaptation sociale. Sa supercherie révèle la politique désinvolte d’une génération qui a hérité d’une honte occasionnelle qu'elle ne méritait pas. Quick, con comme des bottes, est son héros et Fennell veut être la meneuse de son spectacle Grand Guignol.

Fennell s'amuse avec une conscience de classe séculaire, sans laquelle les cinéastes britanniques médiocres n'auraient peut-être aucune conscience. Fennell exploite les problèmes de classe ainsi que les préoccupations raciales et de genre, les combinant dans un spectaculaire trash et vulgaire qui ferait jouir Breillat et de la pantomime « satirique » à en faire tomber la casquette de Spike Lee.

Un cinéaste masculin d'aujourd'hui s’en tirerait-il de filmer l’obscénité comme le fait Fennell ? Les critiques ignares ne sont pas perturbés par son appropriation vulgaire de Du Maurier, Evelyn Waugh, Joe Orton, toutes les pièces de jeunes hommes en colère et pratiquement l’intrigue au complet du Teorema de Pier Paolo Pasolini. Mais Pasolini avait compris l’agonie spirituelle de la perversion bourgoise et sa reprise et l’a transcendée dans son cinéma, c'est pourquoi il a même rejeté sa Trilogie de la vie. Lorsque Quick aspire l’eau du bain de Felix pendant qu’elle s'écoule, Saltburn devient une farce et un remake débile et matérialiste de l’extraordinaire Teorema.

On voit bien à quel point il est impossible pour ses réalisatrices féministes de ne pas reprendre bêtement l'art majoritairement supérieur des hommes, d'emboîter le pas (car Fennell n'est même pas le tiers de Daphne du Maurier). Ses choix musicaux surlignent son manque d'ironie et de mise en scène astucieuse, comme dans la scène de karaoke familiale. En chantant sur Rent, des Pet Shop Boys, Quick évite les paroles d'opportuniste qui exposent sa manipulation sexuelle, mais Fennell coupe juste au moment où Farleigh apprécie la chanson, simplement pour nier son éclat et pour donner à Fennell son point de vue trop évident. Fennell n'a pas vraiment de sens pour la musique pop, Andrew Haigh récupère la musique des Pet Shop et la sublime de manière signifiante dans All of Us Strangers. Elle nous inflige encore sa liste de références musicales indigentes dans une autre scène où elle bafouille Pulp de manière ostentatoire. Une autre scène, elle joue un hymne en montrant Quick en train de se masturber sur la tombe de Felix, sa manière de salir toute grâce comme une garce. 

Les films sur les privilèges de classe ne sont absolument pas nouveaux, manière d'explorer l'esprit humain par son désir d'appartenance aux codes sociaux. Aujourd’hui, les gens qui n'ont jamais souffert font des films sur les gens qu'on ne peut plus souffrir (ceux qui prétendent « lutter », bien au chaud contre les « fachos »). Fennell brasse beaucoup d'attitude dans son film (« Nous avons tous le sang-froid, vous ne l’avez pas remarqué ? ») pour combler le manque de connaissance et d'émotion. Fennell représente bien le vide de l'industrie du cinéma comme déchetterie culturelle. Le titre Saltburn trahit déjà son parti pris et son manque d'imagination. Tireburn, ou brûlure par friction, serait tous deux plus approprié pour ce sous-produit culturel.

DYNASTIA
1
Écrit par

Créée

le 13 mars 2024

Critique lue 35 fois

DYNASTIA

Écrit par

Critique lue 35 fois

D'autres avis sur Saltburn

Saltburn
Plume231
5

Eat the Rich!

[Petit avertissement : j'ai essayé de rester le plus vague possible quant au contenu de l'intrigue de ce film, mais je pense, malgré tout, que la plupart d'entre vous sont capables de lire entre les...

le 30 déc. 2023

66 j'aime

2

Saltburn
JorikVesperhaven
8

Démantèlement aristocratique.

Peu de cinéastes débutants ont su frapper deux fois aussi fort et à la suite par l’entremise d’un premier puis d’un second long-métrage. Et bien on peut aisément ajouter Emerald Fannell dans cette...

le 2 déc. 2023

51 j'aime

4

Saltburn
makhnuff
4

Le charme indiscret de la bourgeoisie

À sa sortie, le nouveau film d'Emerald Fennell a fait grand bruits : une campagne marketing un peu douteuse, un casting de prestiges et des réactions stupefiées sur les réseaux sociaux, louant le...

le 30 déc. 2023

17 j'aime

Du même critique

Le Procès Goldman
DYNASTIA
2

♫ Je te donne toute mon indifférence ♫

Tristement cinématographique et léthargique, un peu comme tout le reste du précieux cinéma que le portier du CNC et animateur de soirées rencontres cinéphiles incel au club de l'Étoile affectionne...

le 3 mars 2024

2 j'aime

Dune - Deuxième partie
DYNASTIA
1

La terre prune

Les combats en toile de fond inculte se multiplient, se suivent et se ressemblent dans cette fascination monotone de Villeneuve pour son univers en semi-teinte. Villeneuve n'a aucune idée de...

le 4 mars 2024

1 j'aime

The Killer
DYNASTIA
1

Le temps s'est écoulé, boomer.

Dossier de presse NetflixTM pour le nouveau projet Serial Killer de Fincher, Madison Avenue, NetflixTM, McDonaldsTM, AmazonTM, ACE HardwareTM, WeWorkTM, WarnerRecordsTM ;Après triple rattage, le...

le 26 févr. 2024

1 j'aime