Vertigineux et sidérant, une vision âpre de notre monde.
20 ans après "Baraka", et sur le même principe que ce dernier, le duo Ron Fricke et Mark Magidson revient avec un documentaire "over-size" ambitieux : tourné en 70mm (puis scanné en 8K avant un master 4K) à travers 25 pays pendant 5 ans dont un an et demi de post-prod. Rien que ça. Une ambition formelle qui se hisse à la hauteur de celle du fond qui, en 1h35, nous propose un état des lieux de notre monde et surtout ce que nous en faisons.
Le concept du film repose sur des choix tranchés : à la différence de nombreux docus de la sorte (tel que "Home" de Yann Arthus-Bertrand), le film se refuse à toute voix-off, commentaires, interviews ni même indications de temps ou de lieu. A ça il préfère un langage cinématographique pur, en n'utilisant pour propos que des images qui prennent leur sens dans un montage d'une finesse rare souligné par une musique jamais didactique ni intrusive. C'est osé mais payant car cela demande au spectateur d'être actif dans la réflexion qui lui est proposé. Le mince fil conducteur qui se dessine petit à petit (même si au début le film est peu lisible) se fait au travers de thèmes et non un chapitrage par région comme on aurait pu le penser ; c'est avec ce regard sans problématique de frontières que le film traite notre monde dans sa globalité. C’est pourtant avec une précision rare qu’il décrit certains pans de notre système, car contrairement à Arthus-Bertrand qui établit une distance incompressible avec son sujet (toujours vu du haut) ici la caméra se penche sur des détails et mêmes quelques portraits ; c’est en ça que le film a une approche très photographique, laissant une part d’analyse au spectateur qui en tirera sa propre expérience selon sa sensibilité.
Pour ce qui est de l’image, le film tient toutes ses promesses et ça dépote sévère ; chaque plan est une merveille, du cadrage à la lumière, de la gestion temporelle (accélérés, Timelapse) au montage qui laisse vivre son plan, c’est une virtuosité de chaque instant. Le film est à aller voir dans des conditions optimales et en 4K si possible pour se rendre compte de l’envergure technique proposée, sûrement ce qui s'est fait de plus beau en documentaire, du jamais vu. On est happé par se flot constant d’images vertifgineuses toutes plus belles que les unes que les autres grâce à une maitrise technique irréprochable.
Un film sidérant dans l’image et consternant dans le propos ; une vision (visuellement) éblouissante mais (moralement) sombre de notre monde et notre système, surtout sur l’homme, sa capacité à faire de grandes choses et son incompréhensible don à tout détruire derrière lui. Un voyage de 95min dont on ne revient pas indemne.