Pour son chant du cygne, le Maître retrouve toutes les thématiques si brillamment traitées tout au long de sa carrière : l'art, l'incommunicabilité dans la famille, la question du désir, l'absurdité nécessaire du couple, la peur de la mort.
Film sombre au possible, brisant tous les tabous avec une noirceur presque inouïe dans l'oeuvre de Bergman - sur le côté très cru, allant presque jusqu'à nous montrer directement une relation incestueuse -, le film paraît d'un désespoir total, d'une tristesse infinie.
La lueur, pourtant, vient de Marianne, portée par la toujours parfaite Liv Ullmann, qui s'adresse directement à nous au début et à la fin du film, et qui, plus effacée que dans Scènes de la vie Conjugale, fait le lien entre ces trois générations, prêtant une oreille attentive à chacun de ses membres, les laissant exprimer la noirceur du fond de leur âme. Elle vient aussi, comme dans Monika, de la jeunesse, de cette jeune fille incarnée par Julia Dufvenius, symbolisant si candidement l'inextricable optimisme au milieu du désarroi.
Plus en retrait qu'à l'accoutumée, Bergman se met pourtant presque en scène à travers Erland Josephson, qui incarne tous les démons que le cinéaste a tenté d'exorciser tout au long de sa vie, son côté sombre et ses remords.
Si les sujets paraissent nécessairement moins approfondis qu'en 6h de Scènes de la vie conjugale ou 5h de Fanny et Alexandre - c'est en ça que j'en reste à cette note, malgré ma critique dithyrambique -, le Maître a réussi son ultime coup, nous faire réfléchir ou simplement apprécier la beauté de ces échanges à bâtons rompus, de ces plans, de ces silences, à travers cette oeuvre cathartique qui devait être sa dernière : merci.