Sous forme d’histoires courtes ou de pulps, de nombreux récits horrifiques ont pu voir le jour dans le domaine des nouvelles ou de la bande dessinée. Au fil du XXe siècle, le format a été particulièrement bien accueilli outre-Atlantique, parfois jusqu’à fournir des adaptations classiques, comme Les Contes de la crypte. En France, Scary Stories to Tell in the Dark, l’œuvre d’Alvin Schwartz, est demeurée totalement inédite alors qu’elle est devenue culte en l’espace de trois ouvrages aux États-Unis, entre 1981 et 1991. Chaque histoire s’apparente à une légende urbaine dont la potentielle véracité permet de frissonner gentiment au coin d’un feu ou dans une pièce plongée dans la pénombre…


Produite par Guillermo del Toro, la présente adaptation cinématographique ne se présente pas comme un film à sketches, du moins pas d’une manière classique. L’idée est de compiler plusieurs intrigues secondaires afin d’émailler la structure narrative principale. Il n’est donc pas question de poser le décor dans un cadre lugubre, puis de raconter chaque récit de telle sorte à introduire des courts-métrages sous la forme d’une anthologie. En l’occurrence, ce sont les protagonistes qui sont pris d’emblée au cœur des évènements surnaturels. Ce choix est pertinent pour dynamiser et fluidifier l’évolution générale.


De même, on apprécie cette variété dans les situations qui se montrent particulièrement cohérentes dans leur déroulement. Eu égard au concept initial, l’évocation du pouvoir des mots à travers des histoires vivantes, au sens littéral du terme, permet d’entremêler des éléments paranormaux fantasmés à un contexte réaliste pour le moins soigné. En l’occurrence, les années 1960 offrent une résonnance assez intéressante pour travailler le fond. On songe notamment à la guerre du Vietnam ou à la ségrégation raciale qui minent les États-Unis. L’ensemble reste discret et néanmoins bien amené par l’entremise de certains comportements, discours et retranscriptions télévisées.


En raison de l’âge des protagonistes et de la tonalité générale, l’approche n’est pas sans rappeler les productions qui s’insinuent dans les années 1980 ; à commencer par Stranger Things. Le groupe de jeunes enfants, l’atmosphère très marquée de la décennie en question, la reconstitution d’un mode de vie et d’une petite ville typiques… Le fait que les enfants soient confrontés à des évènements extraordinaires (et improbables) les isole par rapport à une aide providentielle de la part des adultes. En ces circonstances, il est également difficile de ne pas songer à Ça de Stephen King pour combattre une entité maléfique en s’affranchissant de moyens de défense rationnels.


Et c’est là que le bât blesse. Scary Stories demeure soigné dans sa présentation, mais il n’invente strictement rien. Étant donné que les mini-intrigues se succèdent assez rapidement, elles ne sont guère approfondies et véhiculent des poncifs éculés. Il paraît donc vain de flouer un spectateur averti ou versé dans le cinéma de genre. La fuite d’un danger informe et intangible se répète avec constance sur la base d’enjeux similaires, mais dans un cadre différent. Encore une fois, la variété du bestiaire n’est pas à remettre en cause. De l’épouvantail au croque-mitaine, les incursions sont percutantes et s’accompagnent d’une ambiance léchée à défaut d’être foncièrement effrayante. On regrette simplement que les tenants et les aboutissants demeurent assez prévisibles.


Au final, Scary Stories s’avance comme une itération horrifique en demi-teinte. La réalisation est de qualité, même si elle se montre assez académique. L’atmosphère bénéficie également d’une photographie et de jeux d’éclairage travaillés avec application (et implication). Quant à l’histoire, elle profite d’une belle reconstitution des sixties et ne présente aucun temps mort. Pourtant, le film d’André Øvredal ne possède pas l’once d’une originalité. La manière dont surviennent les phénomènes paranormaux est à l’image de la trame : maîtrisé et toutefois très attendu. Ce qui annihile tout effet de surprise. Il en découle un métrage divertissant qui prévaut surtout pour son atmosphère.

Blockhead

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