Il semblerait que le cinéma indépendant britannique d'aujourd'hui tendrait à pas mal donner sa chance à des jeunes réalisatrices issues de la génération Y. Ce dont je ne me plains pas, au contraire. En effet, conséquence de cela, en 2023, on a eu le droit à deux petites pépites loin d'être négligeables, avec des passages remarqués à Cannes, à savoir Aftersun de Charlotte Wells (qui met aussi en scène un duo père-fille !) et How to Have Sex de Molly Manning Walker (tiens, quand on parle du loup... ou de la louve, c'est cette dernière qui est la directrice de la photographie de l'œuvre ici critiquée... je vais revenir brièvement, plus loin, sur son rôle dans la mise en scène !). 2024 débute (en ce qui concerne la France du moins !) avec un autre représentant de ce mouvement féminin prometteur, Scrapper de Charlotte Regan, qui, comme les deux autres films cités précédemment, est un premier long-métrage. Reste que cette fois-ci, j'ai été un poil déçu.
Pas par la remarquable Lola Campbell qui, du haut de ses 12 ans seulement, est épatante de naturel et de drôlerie. Gros big up pour elle.
Oui, drôlerie, car le film a beau conter l'histoire d'une gamine, orpheline de mère, réussissant à tromper les services sociaux, en faisant croire qu'elle vit avec un oncle imaginaire du nom de Winston Churchill, alors qu'elle se démerde toute seule dans la maison familiale (avec juste la complicité d'un ami et celle d'un commerçant du quartier !), faisant son beurre en vendant des vélos qu'elle a volés, dont le quotidien est d'un coup bouleversé par l'arrivée de son père, qu'elle n'a jamais connu... oui, le film a beau conter une histoire de deuil et des relations inévitablement conflictuelles entre un géniteur et sa progéniture, la légèreté apparaît sporadiquement.
Oui, sporadiquement, car outre le comique qui réside dans la conduite d'adulte débrouillarde, par la force des choses, de notre enfant ou quand cette dernière fait dialoguer les araignées pour pallier sa solitude et sa tristesse (un des quelques aspects réussis de l'ensemble, peu envahissant et ne phagocytant pas la gravité, en n'étant pas hors de propos !), la légèreté passe surtout par l'intermédiaire de personnages secondaires, filmés face caméra, disant ce qu'ils pensent des protagonistes, dans un cadre d'images qui n'est pas sans rappeler, par son format et son centrage, la pellicule argentique. Mais ces sortes de saynètes sont trop rares, trop sporadiques évidemment, pour ne pas sembler en trop, pour ne pas sembler ne servir à rien, à être juste là pour faire original, pour ajouter du temps, pour insuffler une durée traditionnelle au tout. Impression amplifiée par le fait que ces caractères se manifestent très peu, voire pas du tout pour certains, autrement. Ce qui fait que si la plupart d'entre eux n'avaient pas été présents, ça n'aurait rien changé. En plus, ces séquences coupent l'émotion qui aurait pu ressortir du ton du film.
Dans cette même optique, le portrait du père (le comédien, qui se nomme Harris Dickinson au passage, déjà croisé dans Sans filtre, fournit le meilleur de lui-même avec ce qui lui est donné, donc je ne lui reproche rien, je ne pense pas que cela soit sa faute, mais celle de l'écriture !) est trop en surface. Il a quasiment qu'une attitude trop détachée, ne parvenant pas à faire saisir les sentiments qui peuvent l'animer. Ben oui, je pense qu'aborder le remord, la culpabilité, chez lui, n'aurait pas été de trop, aurait aidé à construire un personnage bien plus solide et attachant, aurait fait mieux comprendre pourquoi la protagoniste commence, petit à petit, à avoir de l'affection pour lui, en dépit de leur absence de passé commun. Résultat, il y a un côté superficiel, fort gênant, dans ce qui est pourtant le cœur du film.
Bon, pour terminer sur un point positif, il faut signaler que la banlieue populaire, dans laquelle vivent les êtres que l'on suit, est filmée d'une façon à éviter des clichés misérabilistes. La cinéaste, avec l'aide de Molly Manning Walker, affiche même un endroit assez coloré, insufflant une part de gaieté agréable (collant bien avec le comportement de la jeune adolescente, essayant d'être la plus positive possible !), preuve que réalisme et fantaisie peuvent se côtoyer d'une manière harmonieuse.