La saga Scream, du regretté Wes Craven, en est déjà à son sixième opus (prévu pour mars 2023), et il est de notoriété commune que le troisième épisode est le plus faible de la série, aussi bien selon la presse que de l'avis des fans. Ce n’est pas complètement faux, même si le numéro 4 a ses détracteurs également, et même si le récent cinquième volet de 2022 aurait dû en toute logique faire réfléchir tout un chacun sur son classement personnel tant il est foireux. Il n’en reste pas moins que ce titre disgracieux ne sied pas totalement à Scream 3, sorti en février 2000 aux USA puis en avril de la même année en France.


Déjà, et pour vite passer sur ce point très subjectif, Scream 3 est le premier volet que j’ai vu de cette saga. C’était au cinéma, alors que j’avais un peu plus de 11 ans (et donc pas tellement le droit d’entrer dans la salle techniquement), et honnêtement, j’ai flippé grave. Je me souviens encore de tous ces moments où la musique s’arrête, laissant supposer un bon vieux jumpscare des familles, mais aussi l’apparition de la mère de Sidney à la fenêtre de sa fille, telle une morte-vivante au visage émacié, ou encore l’actrice qui se retrouve enfermée dans une salle de studio pleine de déguisements à l’effigie du tueur, alors que ce dernier est caché au milieu, sans oublier la scène finale dans le manoir de Milton, etc. Lorsque je suis rentré chez moi cet après-midi-là, le peu de chemin que j’ai eu à parcourir seul a été un long moment de tension et de stress, m’attendant à voir débouler le tueur et son masque de n’importe où.


Bon, passé le fait que je n’avais clairement pas l’âge de voir un tel film au cinéma, il faut reconnaître que Scream 3 est loin d’être le plus flippant de la saga, surtout comparé à ses deux prédécesseurs. L’actualité de l’époque, avec la tristement célèbre fusillade de Columbine aux USA, a forcé les studios à revoir leur copie concernant la violence au cinéma et dans les médias en général, et leur influence sur les plus jeunes. Face à la diatribe populaire devant ce genre de contenu, les scénaristes et producteurs du film ont préféré la jouer plus cool, moins sanglant, moins violent, avec moins d’étudiants que prévu (dans la première ébauche du script), et même à instiller plus d’humour dans la série.


En effet, le scénario de base prévoyait que Sidney soit cette fois la cible de plusieurs tueurs étudiants, travaillant à la solde de Stu qui, depuis sa cellule de prison, tente de se venger de notre héroïne qui l’a laissé pour mort dans le premier film (enfin c’est surtout Billy mais bon…). Problème évident : des étudiants qui éviscèrent sans retenue depuis le campus de Woodsboro, quelques mois après Columbine, ça passe mal, et il a donc fallu revoir tout ça, notamment en diminuant le sang pour faire place à plus d’humour.


Alors forcément, ce revirement de dernière minute, en plus d’avoir entraîné énormément de problèmes lors du tournage, a pu agacer nombre de fans de la première heure, et c’est bien normal. Ceci étant, ce joyeux bordel est loin d’être aussi terrible, et mérite que l’on s’y attarde un peu. Parce que oui, tout ce micmac autour des changements de scénario, en plus de l’absence déjà très pénalisante de l’historique Kevin Williamson à l’écriture, ainsi que la vindicte autour de l’effet des médias sur les plus jeunes, et de l’essor des leaks Internet qui ont également forcé l’équipe à tourner plusieurs scènes et notamment plusieurs fins au cas où, bref tout ce foutoir aurait vraiment pu accoucher d’une horreur sans nom. Mais le talent de Wes Craven à la direction a plus que limité la casse, tout en apportant une nouvelle dimension à la saga.


Ce nouveau whodunit fonctionne toujours autant, la liste des suspects est énorme, et chaque personnage y va de sa petite phrase, intervention ou grimace en coin pour nous faire dire « ah mince c’est peut-être lui en fait ! ». On en arrive même à suspecter la statue de robot dans le bureau du producteur Milton (incarné par Lance Henriksen) que la caméra semble prendre grand soin d’intégrer dans le cadre sans raison aucune ! Sur ce point, le film conserve l’efficacité de ses aînés, et les presque deux heures de film passent aussi bien que le verre de Calvados après une fondue savoyarde. Deviner l’identité du tueur avant tout le monde est un challenge, et quand on se rappelle des errements du script au fil des journées de tournage, le résultat n’est pas aussi terrible que beaucoup le prétendent.


L’aspect méta quant à lui avait déjà été abordé dans les deux premiers volets, avec toutes ces références au cinéma d’horreur en général notamment à travers le personnage de Randy, mais là, on est carrément à Hollywood, sur le tournage de Stab 3, troisième volet du film dans le film, avec des acteurs qui jouent les rôles des protagonistes emblématiques de la série, sur des plateaux de cinéma qui recréent les décors du premier film (la chambre de Sidney, la maison de Stu), et franchement, ça a de la gueule. Le passage du studio en question est flippant à souhait, avec un soupçon de flashback pour les fans sans trop forcer le trait. Propre. Le gros sujet du film porte cette fois sur les trilogies, et principalement l’idée, comme le fait remarquer Randy dans une vidéo poignante, que dans le troisième volet d’une trilogie, tout peut arriver, absolument tout ! Bon c’est peut-être aussi une façon déguisée de justifier le bordel du script mais ça a fonctionné sur moi : les diverses références aux trilogies les plus célèbres poursuivent le parcours méta de la saga, tout comme le fera l’épisode 4 avec les smartphones et YouTube entre autres.


L’affaire Weinstein, qui a éclaboussé la presse à scandale 15 ans plus tard, vient également apporter de l’eau au moulin méta de Scream 3. Harvey Weinstein, alors producteur emblématique de la saga, s’est vu accuser de nombreux viols et attouchements sur des actrices connues ou en devenir, faisant étrangement écho à l’intrigue du film sur la mère de Sidney Prescott qui connaîtra le même sort lors de son bref passage sur les plateaux de Hollywood dans sa jeunesse. Alors bien sûr, un (triste) fait divers arrivant une quinzaine d’années après ne peut décemment pas réhabiliter un film à lui tout seul, mais c’est une pierre de plus dans le jardin de ce mal-aimé troisième volet dont la diégèse commence à être plus vaste encore que la saga du Seigneur des Anneaux.


Si le cinéma m’a appris une chose, c’est que l’aspect nostalgique est pour beaucoup dans nos goûts et a souvent tendance à venir rendre complètement subjective toute tentative de parler avec recul d’une œuvre. Peut-être que si Scream 3 sortait en 2023, je ferais partie de ceux qui tirent à boulets rouges dessus (la preuve moi c’est plutôt le 5 qui me fout une rage de dents), mais quand j’avais 12 ans et que je commençais à m’autoriser certains films plus adultes, celui-ci a fait son petit effet sur moi : tueur emblématique avec son masque, scènes de meurtres culte, visions traumatisantes, tout y est passé pour agrémenter mes nuits à l’époque. Mais je retiens surtout que, même 20 ans après, et même après avoir découvert et préféré le premier volet, c’est toujours ce troisième opus que je revois avec le plus de plaisir.

Pinto-Vegas
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le 27 janv. 2023

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Pinto-Vegas

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