Second Tour
6.1
Second Tour

Film de Albert Dupontel (2023)

On retiendra d'Albert Dupontel qu'avant d'être un cinéaste à la carrière nourrie d'aujourd'hui qu'il était un humoriste plutôt sympathique et sachant, occasionnellement, être capable de rentrer dans le sujet qui l'intéressait.

Il commence donc sa carrière avec un sympathique film, "Bernie", qui avait pour lui le ton trashouille et un attachement aux moins que rien, qui lui donnait ce côté attachant même si, au final, se résumant à un film régressif qui n'allait pas bien loin. S'ensuit une carrière plutôt fructueuse, nous menant à cette chose qui nous préoccupe aujourd'hui.

Commençons par dire que l'image est travaillée, au moins au niveau de la lumière. On ressent l'ambiance voulue, et on appréciera ce côté fin de jour permanente dans la rédaction de la chaîne où travaille l'héroÏne. L'effort est louable sur le reste, des cadres travaillés et d'autres moments où le réalisation retombe dans un académisme primaire (champs/contrechamps, personnages figés...). Ca hésite sur la forme, un peu beaucoup comme sur le fond.

L'histoire part d'un point de vue intéressant: un type, champion de la droite, représentant des intérêts financiers, va en réalité, si il passe, faire une politique de gauche. C'est très bien, cela nous changera des types trahissant des idéaux de gauche.

Mais ce n'est pas vraiment exploité. Nous avons plutôt ici une "enquête" journalistique avec une critique des médias à coup de truelle qui se finit en film de survie avec du pathos (l'histoire d'amour; les deux frères...) le tout engoncé dans une pseudo satire politique sans le moindre souffle.

Les clichés s'enchaînent (Quoi qu'il disait Hitchcock déjà ?) - on n'échappera pas au sosie incompétent dans une situation donné, mais qui sera obligé de prendre le relais en étant coaché secrètement, le coach lâche l'affaire laissant alors le sosie livré à lui-même. Et oui, il y a même une histoire d'amour dont l'utilité est nulle, et vous aurez même droit au sidekick vaguement drôle si si.

L'exemple de cette audace refrénée est, pour moi, ce débat d'entre deux tours se voulant comme une sorte de climax face à un adversaire d'une platitude non-euclidienne, de droite bien carabinée (l'immigration, Jean-Pierre, l'immigration) et au rythme étonnamment mou.

Alors qu'il aurait été bien plus intéressant d'avoir le champion de la gauche en face, qui se serait alors fait massacrer dans un jeu de miroir qui aurait été, là, absolument savoureux puisque jouant sur l'ironie dramatique. Et le sosie, frustré de la "gauche raisonnable", de le lui dire en face, ses "quatre vérités de gauche". Au moins ça. Mais ça demande de l'écriture, de la réflexion, précisément un peu plus d'affirmation de ses opinions, dont n'a pas bénéficié la version tournée*.

C'est une bien étrange tentative que voilà, le cul entre quatre ou cinq chaises: un peu de sentiment, un peu de survie, une enquête de haute volée (Je rigole, tout pourrait être résolu grâce au hacker en fait), une critique des médias dominants, de thriller (lorsque ça cartonne, ça cartonne, une partie réussie du film), de comédie, le tout aggloméré dans une histoire de guerre politique que le réalisateur tente tant bien que mal - et surtout mal - de tenir à flots.

Ce n'est pas une réussite, loin de là. Nous sommes trop ballotés par les intentions du réalisateur et son scénario patchwork de genre. On peut faire un patchwork de genre - mais il faut savoir le rythmer correctement, et ici il y a trop d'éléments superfétatoires (en soi, vous supprimez la journaliste et l'histoire d'amour qui va avec, vous créez un-e journaliste moins présent-e et vous vous consacrez sur la guerre interne du parti politique) dont les auteurs sont obligés de se justifier pour que le rythme tienne la baraque sur une heure trente.

Un essai raté donc, partant d'une excellente idée, gâchée par sa gestion désastreuse hors des lumières et de quelques petits moments sympathiques - l'explosion du début, petite scène réussie mais totalement insuffisant) mais trop décousu pour être un film acceptable en tant que satire politique (et une satire n'a pas besoin d'être drôle, mais même au niveau de l'humour c'est beaucoup trop laborieux ici).

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* Je parle bien de "version tournée", il faut savoir que les scripts font l'objet de lutte entre l(es)'auteur(s) et le système de financement (principalement les télés) dont le(s) producteur(s) sont souvent les complices (parfois malgré eux).

Qu'il ait été réécrit plusieurs fois pour complaire à l'ensemble des partis expliquerait pour quelles raisons il hésite autant entre les genres et que son humour soit aussi désamorcé. Rien de bien méchant ne viendra égratigner la droite, la gauche, les médias, etc, au final.

Bung
3
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le 23 oct. 2023

Critique lue 124 fois

Bung

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