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Secret Honor
5.8
Secret Honor

Film de Robert Altman (1984)

L'histoire américaine est suffisamment fournie en légendes pour constituer une mythologie dont les récits n'auraient rien à envier avec les frasques des dieux grecs.

Comme équivalent à ces derniers, nous pouvons désigner les présidents, tant s'imposent-ils comme les vecteurs de ce que les gens semblent chercher lorsqu'ils ont besoin d'une bonne histoire : une narration bien formée, avec son lot de rebondissements, supplantée par la figure d'un personnage haut en couleurs. "Secret Honor", s'intéresse au plus cinématographique des présidents américains, à savoir Richard Nixon.


Sous-titrée "A Political Myth", elle ne ment pas sur son statut. C'est une œuvre de fiction sur un personnage de fiction. 


Aujourd'hui encore, Nixon reste le président américain le plus représenté sur les écrans. Les arguments pour expliquer ce fait sont nombreux. La densité de son parcours politique. La difficulté à lui attribuer un alignement, un héritage. On peut débattre pendant des heures de Nixon, tant son parcours est riche en anecdotes. La plupart d'entre elles ont d'ailleurs leur propre page Wikipédia : le "Checkers Speech", la "Visite en Chine de 1972", le "Saturday Night Massacre", et bien évidemment, le "Watergate".


Le Nixon d'Altman joue sur le même mode. Il navigue de mots-clés en mots-clés, ouvrant la voie à un personnage coloré, déclinable sous bien des adjectifs : le fou, le disgracié, l'opportuniste, le paranoïaque, le génie. Tous les fronts semblent abordés en même temps. La performance de Philip Baker Hall est du même calibre. Commençant des tonnes de sujets sans en finir un seul, il est aussi volatile qu'une bombe artisanale. On est pas très sûrs de là où là où nous allons atterrir, mais le voyage semble définitivement plus intéressant que la destination.


Mais voilà, à jouer la carte du Nixon par anecdotes, Altman économise au spectateur la nécessité de se défaire de ses idées reçues. Il gagnera le divertissement, en échange de l'absence de réelle surprise. C'est le Nixon que l'on veut, c'est le Nixon que l'on a. Il n'y aura pas d'émotions inconnues, même dans ces moments où il fait appel à sa famille. Réglant tour à tout ses comptes avec Kissinger, Kennedy, Johnson et compagnie, "Secret Honor" semble faire perdurer ce qui est dénoncé en Europe depuis de nombreuses décennies : la tendance à manufacturer une "histoire des grands hommes" plutôt qu'un récit mettant en avant les mouvements des masses. L'Amérique ne cesse de se vautrer dans cette fête foraine de sensations faciles. On peut lire de la mythologie pour se détendre. C'est risquer d'éluder le caractère explicatif des mythes. A trop vouloir nous livrer le Nixon que nous voulons aimer, le portrait d'Altman n'ira pas au-delà de nos attentes.


Peut-être est-ce du à la difficulté du matériau d'origine. Comment dépasser la platitude inhérente au théâtre filmé, où le spectacle perd une de ses dimensions ? Altman s'en sort honorablement, par la mouvance de la caméra et le jeu sur les soubresauts corporels de son acteur.

Cependant une certaine sensation de vanité se dégage. Que faire de toutes ces anecdotes, si ce n'est les exposer et attendre que quelque chose ressorte de cette masse de faits ? On attend un peu en vain dans "Secret Honor", mais ce n'est pas grave. Le concept est suffisamment bien exploité pour que l'oeuvre laisse une empreinte dans la mémoire.

Après tout, n'est-ce pas le rêve de tout "grand homme", que de laisser sa trace sur l'histoire, qu'importe que celle-ci soit belle ou laide ?

Mais la trace que nous laissons est-elle vraiment la nôtre, lorsqu'elle nous est dictée par les caméras qui nous filment et les micros qui nous enregistrent ?


"Being controversial in politics is inevitable. If an individual wants to be a leader and isn't controversial, that means he never stood for anything. In the world today, there are not many good choices — only choices between the half-good and the less half-good."

Mellow-Yellow
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le 9 janv. 2023

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